Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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Séminaire "Perspectives comparatives sur les droits des peuples autochtones" - Savoirs autochtones et propriété intellectuelle (EHESS, le 14/02/19)

publiée le 13/02/2019 par CSIA-Nitassinan

Séminaire coordonné par Irène Bellier et Emmanuelle Ricaud Oneto.

14 février 2019, de 9h à 13h
EHESS - Salle 13, 105 bd Raspail 75006 Paris

"Savoirs autochtones et propriété intellectuelle"

Intervenant.e.s :

Samir Boumediene, Chargé de recherche CNRS. IHRIM - ENS de Lyon

Avant les brevets, la conquête des savoirs

Parfois qualifiée de « première mondialisation », l’expansion européenne de l’époque moderne peut aussi être considérée comme un moment fondateur de l’inscription de la nature et du savoir dans le régime de la propriété. Cette hypothèse peut se vérifier à travers l’exemple des plantes médicinales utilisées par les habitants du Mexique et des Andes, dans la mesure où, en plus d’être des matériaux vivants dotés de pouvoir, ces plantes médicinales sont aussi des savoirs : leur usage implique de les reconnaître, de les nommer, mais aussi de déterminer les problèmes qu’elles peuvent permettre d’affronter. De ce fait, l’usage des plantes ainsi que leur effet concret sont solidaires de façons de connaître le monde et d’y agir. Lorsqu’une plante attise l’intérêt des Européens, c’est donc tout un ensemble de relations qui se trouve visé. D’où, d’un côté, la difficulté et parfois la réticence des Espagnols à s’approprier les savoirs des « indigènes ». D’où, de l’autre côté, la résistance que ces derniers leur opposent parfois. Cette tension sera traitée dans cet exposé à travers trois aspects : 1. le lent processus de valorisation qui, du XVIe au XVIIIe siècle, transforme le sauvage en informateur ; 2. les modalités concrètes de la conquête des savoirs et les résistances auxquelles elle se heurte, notamment le silence ; 3. les conséquences de cette conquête qui, parce qu’elle détruit autant qu’elle accumule, contribue dès le XVIe siècle à associer à l’objectif de la valorisation celui de la conservation des savoirs et des plantes. Bien avant l’ère des brevets et des conventions sur la biodiversité, le destin des plantes médicinales de l’époque moderne permet d’explorer les paradoxes liés à la notion de protection.

Adriana Muñoz Sanchéz, Doctorante à l’EHESS -Cermes3, Inserm

Le Pérou et la protection de savoirs traditionnels : quelles formes d’appropriation ?

Au cours des années 2000, Le Pérou s’est doté de deux outils juridiques pour la protection des savoirs traditionnels : 1) un registre répertoriant ceux-ci sous forme de bases de données, publique et confidentielle, nationale et locale, sous la responsabilité de l’INDECOPI (l’Institut national de défense de la concurrence et de la protection de la propriété intellectuelle péruvien) ; 2) une Commission contre la biopiraterie qui assure un contrôle des brevets susceptibles de revendiquer des plantes médicinales et des savoirs traditionnels nationaux. S’il s’agissait initialement de deux outils indépendants l’un de l’autre, le besoin d’avoir une vision d’ensemble a abouti récemment à la mise en place d’une collaboration initiée et supervisée par l’INDECOPI. Il s’agit de prévenir tout accès non autorisé ou non compensé aux ressources génétiques et/ou aux savoirs traditionnels associés, appropriation indue qualifiée de biopiraterie. En analysant la constitution et le fonctionnement des deux dispositifs, j’interroge dans cette présentation le projet de « nationalisation » des ressources naturelles et des savoirs traditionnels de l’Etat péruvien et l’impact de cette « nationalisation » sur les droits des communautés.

Leandro Varison, Post-doctorant au Musée du Quai Branly

La protection de la « culture autochtone »

Appropriation culturelle, biopiraterie, demandes de restitution d’objets sacrés… Face à l’appropriation d’éléments culturels par des personnes extérieures à leurs communautés, les autochtones formulent, depuis plusieurs années, des demandes et des propositions pour protéger légalement « leurs cultures ». Celles-ci deviendront du « patrimoine » ou de la « propriété », des concepts du droit étatique (de common law ou du droit civil) qui s’adaptent mal aux notions autochtones d’appropriation. Mais la circulation des idées ne se produit jamais sans un certain changement de sens et, de même que la notion de « culture » est aujourd’hui largement adoptée par les autochtones du monde entier celles de « patrimoine » et de « propriété » se chargent de nouvelles interprétations. Je présenterai les principaux enjeux liés aux demandes de protection, ainsi que les stratégies adoptées, dans certains cas, par des autochtones qui essaient d’articuler les notions de droit étatique à ce qu’ils formuleront comme étant leur « droit coutumier ».

Pour plus d’informations : http://www.sogip.ehess.fr/spip.php?article632