Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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[Peuple Nahua] Qui a tué Don Trino ?

publiée le 09/12/2011 par CSIA-Nitassinan

Mardi 6 décembre, une délégation de 18 représentants du mouvement mexicain
pour la paix dans la justice et la dignité, fondé par le poète Javier
Sicilia, se rendait à Santa María Ostula, sur la côte pacifique du pays,
lorsque leur véhicule a été intercepté par des paramilitaires armés de
fusils nord-américains R-15.

Ceux-ci ont relâché peu après les membres du mouvement pour la paix, mais
ont retenu leur accompagnateur, J. Trinidad de la Cruz Crisoforo. Plus
connu comme don Trino, ou "el Trompas", Trinidad de la Cruz, 73 ans, était
l’une des autorités traditionnelles de la communauté indigène nahua
d’Ostula. Il avait été particulièrement actif lors de la récupération par
les habitants du village d’un millier d’hectares de terres communales, qui
leur avait été volées au milieu des années 1960 par un groupe de
propriétaires et de trafiquants locaux.

Cette récupération avait eu lieu suite à des décennies de tentatives
infructueuses par la voie légale. C’est que pour l’Etat, si prompt à
châtier le voleur de pain ou le revendeur de marijuana, il est scandaleux
que des Indiens, paysans et pêcheurs, puissent vivre dans des contrées
aussi belles. Sur ces plages bordées de cocotiers, les promoteurs
immobiliers, désireux de blanchir au plus vite un argent dont ils ne
savent que faire, multiplient les projets de marinas et autres complexes
touristiques.

Quelques jours avant l’enlèvement de don Trino, des membres de la Marine
nationale, de la Police fédérale et du gouvernement de l’État du Michoacan
dirigé par Leonel Godoy Fangel, avaient assuré les activistes du
Movimiento por la Paz de Javier Sicilia que leur mission d’observation
bénéficierait de la protection de ces différentes forces lors de son
séjour à Ostula.

Celles-ci venaient de se retirer lorsque l’interception s’est produite.
Tout était donc parfaitement réglé.

Le corps de don Trino, torturé et lardé de coups de couteau, a été
retrouvé vingt-quatre heures à peine après l’enlèvement. Les chefs des
assassins, Prisciliano Corona Sanchez, Iturbe Alejo et Margarita Pérez,
sont parfaitement connus. Ils ont déjà organisé le meurtre, en octobre, de
Pedro Leyva, un autre représentant du village, et de 25 autres comuneros
assassinés (plus 4 disparus) en un plus de deux ans.

Don Trino a donc été tué par les hommes de main des trafiquants
Prisciliano Corona et Margarita Pérez, mais avec l’évidente complicité des
autorités militaires, policières et politiques du Michoacan et de l’État
fédéral. Le tout au nom du développement, de l’emploi et d’une
modernisation qui fera de la région un Disneyland de plus, artificiel et
stérile.

Don Trino, el Trompas, avait reçu un petit groupe de Toulousains et de
Belges sur la terre de Xayakalan, à peine récupérée, au cours de l’été
2009. Aujourd’hui, il reste les yeux pour pleurer, comme on dit. Ce sont
des larmes de tristesse et de rage. Mais pas d’impuissance, car les
Indiens de la côte nahua du Michoacan, comme les Yaqui du Sonora, les
Wixarika du Jalisco, les P’urépecha de Cheran, les Meph’a du Guerrero, les
Binniza ou les Triqui de l’Oaxaca, les Maya et Zoque zapatistes du
Chiapas, toutes ces nations, tribus et peuples en ont vu d’autres, en cinq
cents ans de domination et d’extermination. Et rien de ce qui leur arrive
aujourd’hui, alors que le capitalisme industriel se rue sur tout ce qui
peut assurer sa survie, ne les empêchera de nous transmettre leur parole :
au lieu de financer ceux qui nous détruisent, avec votre consommation
d’objets inutiles et votre tourisme aveugle, essayez de retrouver le
contrôle et la jouissance de vos propres terres et territoires, et de la
vie que vous y menez.

Le 8 décembre 2011,
Jean-Pierre Petit-Gras

Voir également sur le site du CSIA : http://www.csia-nitassinan.org/spip.php?article109


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