Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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[CHIHUAHUA - Sierra Tarahumara] La faim des Raramuris

publiée le 08/02/2012 par CSIA-Nitassinan

Ceux d’en bas
Gloria Muñoz Ramirez.

Les affirmations non fondées sur des suicides collectifs de Raramuris à
Chihuahua parce qu’ils n’avaient rien à manger, et actuellement les
campagnes massives d’approvisionnement pour pouvoir donner à ces peuples
quelque chose à se mettre sous la dent, peuvent transformer une urgence
réelle, dramatique et pas nécessairement nouvelle, en actes de charité qui
bouleversent les droits collectifs des peuples indigènes. Et cela fait
d’eux, encore une fois, des objets de ces droits et non des sujets, en
laissant de côté les responsabilités de l’État non seulement en ce qui
concerne le changement climatique, mais aussi en ce qui concerne les
conséquences de l’invasion de divers projets transnationaux dans les
territoires indiens.

Il y a dix-huit ans, l’insurrection zapatiste a posé au cœur du débat
national et international la reconnaissance des indigènes de ce pays en
tant que sujets de droits collectifs, rompant avec les politiques
paternalistes et les images folkloriques de plus de soixante peuples
exclus et condamnés à la pauvreté extrême. Ce débat a été gagné durant les
premiers mois de 1994, indépendamment de l’élaboration, en 2001, d’une
contre-réforme qui méconnaît officiellement les droits et la culture
indigènes et, du même coup, le droit à l’autonomie.

Cette semaine ont commencé à proliférer dans tout le pays des centres
d’approvisionnement où les gens de bonne volonté viennent donner de l’eau,
du riz, des haricots et du lait concentré. Bien sûr que tout cela et plus
encore est nécessaire pour faire face à l’urgence, mais le discours ne
peut être celui d’aider les pauvres tarahumaras qui sont en train de
mourir de faim. Soutenir l’aide dans cette optique, c’est laisser de côté
une bataille gagnée à la force du poignet par le mouvement indigène
national.

Il est évident que l’envoi d’un train spécial de 100 000 rations d’aide
alimentaire, de même que l’envoi de couvertures et d’eau dans la sierra
Tarahumara par le Secrétariat de développement social (Sedeso), pour parer
aux cas de famine provoqués par la sécheresse et le gel qui ont affecté la
région, ne résoudra pas un problème majeur qui a à voir avec la non
reconnaissance de leur identité et les politiques d’exclusion dont
souffrent les Raramuris et les autres peuples indiens du pays.

C’est dans ces moments que l’on ressent le besoin de la présence et des
paroles de Ricardo Robles, El Ronco, compagnon jésuite des Raramuris
depuis toujours et qui connaît si bien la sierra. Je cite l’extrait d’un
de ses articles : « … Et pour en revenir aux cannibales, nous devons nous
demander qui sont les cannibales d’aujourd’hui, le tourisme ou ceux qu’on
envahit, les compagnies minières ou ceux qu’on empoisonne, les barrages ou
ceux qu’on expulse, la drogue ou ceux qui en dépendent, l’incendie de
crèches[1] ou les enfants, les partis ou les citoyens, les policiers ou
les contestataires, l’Armée ou les morts, les gouvernements ou ceux d’en
bas… et enfin, l’avarice ou ceux que l’on appauvrit ».

La résistance, c’est savoir écouter la terre.

John Berger

losylasdeabajo@yahoo.com.mx

http://www.jornada.unam.mx/2012/01/21/politica/016o1pol

(Traduction : Chelmi)

[1] Le 5 juin 2009, un incendie dans la crèche ABC (Hermosillo, État du
Sonora) provoqua la mort de 49 enfants et en blessa 76 autres. Il provoqua
un grand émoi et un grand tollé dans la classe politique mexicaine sur les
responsabilités et conditions de sécurité de la garderie (construction
inadéquate facilitant la propagation de l’incendie et des vapeurs
toxiques, absence de détecteurs de fumée, etc.). (Note du Cspcl).

http://cspcl.ouvaton.org/article.php3?id_article=888