Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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Le Canada entérine la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

publiée le 23/08/2011 par CSIA-Nitassinan

Au mois de mai dernier, le Parti Québécois (PQ, principal parti d’opposition au Québec, actuellement dirigé par le Parti Libéral, considéré comme plus conservateur) a proposé à la province de Québec d’entériner la Déclaration sur les Droits des Peuples indigènes. Le 12 novembre, l’État fédéral canadien a fait connaître son intention d’approuver ce texte avec, cependant, quelques restrictions

Le Québec, première province à approuver la Déclaration

L’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL, AFNQL en anglais) soutient l’initiative du Parti Québécois appelant le Parlement de la province de Québec à approuver la Déclaration sur les Droits des Peuples indigènes. « Nous sommes très satisfaits de la proposition du PQ d’entériner la Déclaration de l’ONU, déclare Ghislain Picard, chef de l’AFNQL. Nous souhaitons qu’une fois la Déclaration avalisée, le gouvernement respecte, dans son aire de compétence, toutes les dispositions qu’elle contient et toutes les valeurs qu’elle implique. Nous demandons le respect plein et entier de la Déclaration sur les Droits des Peuples indigènes. »
Le gouvernement du Québec a rapidement répondu à la demande de l’opposition, indiquant qu’il était dans ses intentions d’entériner la Déclaration. Le ministre des Affaires indigènes du Québec, Pierre Corbeil, a fait savoir qu’il envisageait de tenir des réunions avec les différents partis d’opposition afin de présenter un texte à ce sujet au vote de l’Assemblée nationale de la province. À l’occasion d’un Forum, Ghislain Picard a présenté une déclaration au nom de l’AFNQL, de l’Assemblée des Premières Nations du Canada et de diverses organisations soutenant les droits de l’homme. « Nous demandons au gouvernement canadien d’adopter immédiatement, et sans restriction, cet outil essentiel à la sauvegarde des droits de l’homme. La Déclaration pose les standards minimums quant aux droits que le gouvernement doit respecter. Le gouvernement doit faire en sorte que les lois canadiennes, y compris l’Indian Act, ne soient pas en contradiction avec la Déclaration des Droits des Peuples indigènes. »

Le Canada entérine la Déclaration… non sans restriction

Le 12 novembre 2010, la considérant comme un document qui offre au gouvernement l’occasion de « continuer à travailler en partenariat avec les Nations autochtones », le Canada a avalisé la Déclaration de l’ONU. Tournant ainsi le dos au vote négatif qu’il avait émis le 13 septembre 2007 à l’Assemblée Générale de l’ONU, il « réaffirme son attachement à la promotion et à la protection des droits indigènes sur son sol et à travers le monde ». Cet "attachement" n’est cependant pas sans restriction.
Le ministère des Affaires indiennes et du Grand Nord, qui a émis le communiqué, indique que les dispositions de la Déclaration n’auront pas priorité sur les lois du pays ou les traités conclus avec les Premières Nations. « La Déclaration traite des droits individuels et collectifs des peuples indigènes, en prenant en compte leurs spécificités culturelles, sociales et économiques, mais n’est pas légalement contraignante. Elle ne reflète pas les dispositions habituelles du droit international et ne modifie pas les lois canadiennes. »
Le président de l’Assemblée des Premières Nations, Shawn Atleo (cf. Lettre 47-48 p. 13), se réjouit de cette décision qu’il considère comme un pas positif : « Aujourd’hui marque un important changement dans nos relations, et c’est maintenant que le travail commence. Il est maintenant temps de travailler ensemble, d’aller vers une nouvelle ère de justice pour les Premières Nations et pour un Canada plus fort, pour tous les Canadiens, guidés par les principes de respect, de coopération et de réconciliation qui sont au coeur de la Déclaration.
Les Premières Nations ont travaillé longtemps et durement pour parvenir à une approche positive et à l’abandon de la relation de type colonial qu’implique l’Indian Act, qui empêche le progrès des Premières Nations et de ce pays. Nous sommes prêts dès aujourd’hui à travailler sur notre priorité, l’éducation. »

Une coopération avec les Nations indigènes des États-Unis

Alteo avait l’intention d’assister, fin novembre, à l’assemblée générale du Congrès National des Indiens d’Amérique (NCIA) aux États-Unis, mais est finalement resté au Canada pour s’occuper des problèmes qui pourraient surgir à l’occasion de l’approbation de la Déclaration par le Canada. Il a fait remarquer : « Je vois là la démonstration d’un véritable leadership politique. Le président du NCIA, Jefferson Keel, dit que cette réunion est le résultat d’un changement très positif dans les relations entre les leaders tribaux et l’administration fédérale. Nous suggérons que le premier ministre Stephan Harper fasse la même chose que le président Obama et rencontre directement les Premières Nations, et cela très rapidement, de façon que nous puissions établir ensemble un processus pour construire l’adhésion à la Déclaration. »
Il souhaite aussi avoir des relations suivies avec les leaders indigènes américains : « Il est nécessaire, de mon point de vue, que les leaders tribaux des États-Unis et les Premières Nations du Canada travaillent
en étroite harmonie. »

Kenneth Deer, Mohawk, prudemment optimiste

Tandis que l’approbation de la Déclaration est vue comme une initiative largement positive, certains autochtones des États-Unis et du Canada expriment leur scepticisme quant aux intentions réelles du gouvernement d’Ottawa. « La Déclaration est loin d’être parfaite, mais elle est cependant très utile » a déclaré Kenneth Deer1), journaliste mohawk de Kahnawake qui a travaillé pendant des années à la rédaction de la Déclaration au Forum permanent des Peuples indigènes. Il voit une difficulté dans l’affirmation selon laquelle la Déclaration pourrait ne pas être "consistent" (compatible) avec les lois canadiennes : « Que se passera-t-il si une loi canadienne est raciste et discriminatoire ? La loi l’emportera-t-elle toujours ? » Bien qu’il soit techniquement vrai, ainsi que le dit le Canada, que la Déclaration est "non légalement contraignante", beaucoup de ses articles - comme le droit à l’autodétermination - apparaissent dans le droit international envers lequel le Canada s’est engagé, ce qui les rend alors "légalement contraignants". « Je suis prudemment optimiste. Je ne vais pas sauter de joie, mais nous devons utiliser cette situation de manière positive afin de faire avancer les droits des Nations indigènes » a conclu Kenneth Deer.
D’autres personnes ont une approche un peu différente. Peter Vicaire, de la faculté de droit indigène de l’Université du Michigan, écrit dans Turtle Talk blog : « Ah ! Voici de grandes nouvelles venant du Canada ! Appelez-moi un sceptique, appelez-moi un cynique si vous voulez, mais la pirouette à 180 degrés du premier ministre Harper sur cette question ne me dit rien qui vaille. » Et de conclure : « Peut-être que l’adhésion du Canada à la Déclaration est, en fait, l’adhésion à ce qui existe déjà au Canada, et non à ce que les choses devraient être. »

1) Cf. Lettre n° 49 p. 1-2 et le Supplément à la Lettre n° 43 p. 2-4