Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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Communiqué Congrès National Indigène / Conseil Indigène de Gouvernement / Commission Sexta de l’EZLN - « FALTA LO QUE FALTA : Il manque encore ce qu’il manque encore »

publiée le 11/06/2018 par CSIA-Nitassinan

FALTA LO QUE FALTA
Il manque encore ce qu’il manque encore

Avril 2018

Aux Réseaux de soutien au CIG et aux casitas Marichuy,

A ceux qui ont participé à l’Association Civile « L’heure de la floraison des peuples est venue »

A la Sexta nationale et internationale,

Au peuple du Mexique,

Aux médias libres, autonomes, alternatifs, indépendants,

A la presse nationale et internationale

Face à l’intensification de la guerre, de la spoliation et de la répression qui envahit nos peuples en même temps qu’avance le processus électoral, et en accord avec les étapes parcourues le long des géographies de ce pays par notre porte-parole Marichuy ainsi que les conseillers et les conseillères, nous nous adressons respectueusement au peuple du Mexique pour lui dire que :

Nous avons écouté la douleur de toutes les couleurs de ceux qui, comme nous, constituent le Mexique d’en-bas

Prenant la période de collecte des signatures comme prétexte, nous avons parcouru les territoires indigènes de notre pays où ensemble, nous avons fait grandir notre proposition politique d’en-bas et depuis lesquels nous avons rendu visible la lutte de nombreux peuples originaires, leurs problèmes et leurs propositions.

A travers notre participation au processus électoral, nous avons fait savoir à nouveau aux peuples indigènes et non-indigènes du Mexique que nous ne resterons pas tranquilles alors qu’ils détruisent et nous vole la terre que nous avons héritée de nos ancêtres et que nous devons transmettre à nos petits-enfants, alors qu’ils contaminent les rivières et perforent les collines pour en extraire des minerais. Nous ne resterons pas tranquilles alors qu’ils convertissent la paix et la vie que nous construisons jour après jour pour la guerre et la mort, par le biais de leurs groupes armés qui protègent leurs intérêts. Notre réponse, n’ayez aucun doute, sera la résistance organisée et la rébellion, afin de soigner ce pays.

Grâce à la mobilisation importante de milliers et milliers de compañeras et compañeros des réseaux de soutien dans tout le pays, nous nous sommes rendus compte et il est apparu à la vue de tous que pour apparaître sur les bulletins électoraux il faut garantir que nous sommes égaux ou pire qu’eux, que si nous présentons des signatures, celles-ci doivent être fausses ou bien sinon elles n’ont aucune valeur, que si nous dépensons de l’argent, la provenance de celui-ci doit être trouble, que si nous disons quelque chose, cela doit être un mensonge, que si nous nous accordons sur quelque chose de sérieux, ce doit être avec les politiciens corrompus, avec les entreprises d’extraction minière, avec les banquiers, les cartels de la drogue, mais jamais, au grand jamais, avec le peuple du Mexique.

Apparaître sur les bulletins électoraux n’a de sens que pour ceux qui cherchent à administrer le pouvoir d’en-haut en oppressant ceux d’en-bas, parce que le pouvoir qu’ils recherchent est pourri jusqu’à la moelle.

C’est donc une compétition où l’on ne peut gagner que grâce à la triche, à l’argent et au pouvoir, tout comme la marchandise que sont les élections de la classe politicienne, où il n’y a pas et où il n’y aura jamais de place pour la parole de ceux d’en-bas, de ceux qui étant indigènes ou qui, bien que n’étant pas originaires d’un peuple originaire, méprisent le pouvoir et construisent la démocratie en prenant des décisions en collectif, qui se font ensuite gouvernement au sein d’une rue, d’un quartier, d’une communauté, d’un ejido, d’un collectif, d’une ville ou d’un état.

Et donc le processus électoral est une grande porcherie dans laquelle s’affrontent ceux qui ont pu falsifier des milliers de signatures et qui ont les milliers de millions de pesos qui leur permettent de faire pression et d’acheter les votes, tandis que la plus grande partie du peuple mexicain se débat entre la pauvreté et la misère.

C’est la raison pour laquelle notre proposition n’est pas la même, c’est pour cela que nous ne sommes pas en train de faire campagne, que nous ne nous sommes pas mis à falsifier de signatures, ni à chercher et à dépenser de l’argent que le peuple mexicain utilise pour résoudre ses nécessités vitales, c’est pour cela que nous ne cherchons à gagner aucune élection ni à retourner notre veste pour rejoindre la classe politicienne. Mais c’est au contraire le pouvoir d’en-bas que nous partons chercher, celui qui naît des douleurs des peuples, et c’est pour cela que nous marchons à la recherche de la douleur de toutes les couleurs qui font de nous le peuple du Mexique, car c’est là que se trouve l’espoir que naisse un bon gouvernement qui dirige en obéissant et qui ne pourra émerger que de la dignité organisée.

Ce n’est pas seulement le racisme de la structure politique qui a empêché que notre proposition figure sur les bulletins électoraux, car si ceux qui s’opposaient à la destruction capitaliste avaient les yeux bridés, les yeux bleus ou les yeux rouges, les politiques publiques et la soi-disante démocratie seraient faites pour que eux aussi en soient exclus. Les peuples originaires et nous tous qui marchons en-bas, à gauche, nous ne rentrons pas dans leur jeu ; non pas à cause de notre couleur, de notre race, de notre classe, de notre âge, de notre culture, de notre genre, de nos pensées, de notre cœur, mais parce que nous ne faisons qu’un avec la terre-mère et notre lutte existe pour que tout ne soit pas converti en marchandise, car cela serait la destruction de tout, à commencer par notre existence en tant que peuples.

C’est pour cela que nous luttons, pour cela que nous nous organisons, pour cela que nous ne pouvons pas nous fondre dans la structure de l’état capitaliste, mais qu’au contraire nous ressentons chaque jour un peu plus de dégoût pour le pouvoir d’en-haut, qui rend jour après jour plus flagrant le profond mépris envers toutes et tous les Mexicains. La grave situation que vivent nos peuples et qui s’est gravement intensifiée ces dernières semaines du fait de la répression et de la spoliation, ne s’est vue décernée qu’un silence complice de la part de tous les candidats.

En conséquence, par accord de la deuxième session de travail du Conseil Indigène de Gouvernement qui s’est tenue les 28 et 29 avril dans la ville de México, ni le Conseil Indigène de Gouvernement ni notre porte-parole ne rechercheront ni n’accepteront aucune alliance avec aucun parti politique ni avec aucun candidat, ni n’appelleront à voter ou à s’abstenir. Nous continuerons au contraire à chercher tous les gens d’en-bas pour démonter le pestilentiel pouvoir d’en-haut. Que vous votiez ou que vous ne votiez pas, organisez-vous.

Nous marcherons en construisant les clés pour guérir le monde.

Parmi les peuples originaires de ce pays, là où a été décidé le Conseil Indigène de Gouvernement, c’est-à-dire là où notre porte-parole a tressé au fil de ses pas en suivant le mandat de l’assemblée générale du CNI, se trouvent les résistances et les rébellions qui donnent forme à notre proposition pour toute la nation, et c’est pour cela qu’aux côtés des conseillères et conseillers de chaque état et de chaque région nous avons parcouru leurs géographies, là où la guerre et l’invasion du monstre capitaliste se vit au quotidien. Là où la terre est spoliée afin qu’elle cesse d’être collective et qu’elle reste entre les mains des riches pour que les territoires soient occupés et détruits par les entreprises minières, les nappes phréatiques dévastées par l’extraction d’hydrocarbures, les rivières contaminées, l’eau privatisée sous forme de barrages et d’aqueducs, la mer et l’air privatisés par les parcs éoliens et par les avions, les semences natives contaminées par les transgéniques et par les produits chimiques toxiques, les cultures réduites au folklore, les territoires reconfigurés pour le fonctionnement du narcotrafic transnational, l’organisation d’en-bas soumise à la violence terroriste des groupes narco-paramilitaires obéissant aux mauvais gouvernements.

Nous nous sommes vus aussi dans les chemins qui s’illuminent au sein des mondes qui maintiennent leurs cultures, lorsqu’en leur sein se dessine la proposition et la parole des autres peuples indigènes, et que de leur propre lutte et de leur propre langue surgissent les fondamentaux de ce qui est la raison d’être du Conseil Indigène de Gouvernement.

C’est là que brille l’espoir que nous sommes partis rechercher, tout comme le constitue aussi la société civile organisée dans les villes par le biais de la Sexta, des groupes et des réseaux de soutien au CIG, qui ne sont pas seulement sortis montrer leur solidarité et mettre en place une tournée dans tout le pays, mais qui sont aussi sortis afin de construire depuis la base, depuis les ruines mêmes du capitalisme, un pays et un monde meilleur. A toutes et tous, notre admiration et notre respect.

Nous appelons toutes celles et tous ceux qui, comme nous, sont le peuple du Mexique, les compas des Réseaux de soutien au Conseil Indigène de Gouvernement de tous les états du pays, les compañeras et compañeros qui forment l’Association civile « L’heure de la floraison des peuples est venue », à continuer à nous suivre par le biais de la consultation et l’évaluation, en faisant leurs commentaires, en trouvant et en parcourant les nouveaux chemins que nous déciderons, en nous organisant comme toujours, que vous votiez ou pas pour un candidat ou un autre. Vos paroles, sentiments et propositions ont pour nous de l’importance.

Nous continuerons à tendre des ponts respectueux avec ceux qui vivent et qui luttent, pour qu’ensemble nous fassions ainsi croître la parole collective qui nous aide à résister contre l’injustice, la destruction, la mort et le mépris, afin de reconstruire chaque parcelle du pays avec la conscience de ceux qui en-bas rêvent et se rebellent en ayant leurs propres géographies, leurs propres cultures et leurs propres modes.

Dans la proposition collective des peuples est gardée notre parole qui s’adresse au monde, raison pour laquelle nous continuerons à marcher vers le bas, vers les peuples, nations et tribus indigènes que nous sommes, raison pour laquelle nous appellerons au mois d’octobre 2018 à l’Assemblée générale du Congrès National Indigène, afin de connaître les résultats des commentaires des originaires regroupés au sein du CNI, et avancer vers l’étape suivante.

Sœurs et frères du peuple du Mexique et du monde, continuons ensemble car il manque encore ce qu’il manque encore.

Pour la reconstitution intégrale de nos Peuples

Jamais plus un Mexique sans Nous

Congrès National Indigène
Conseil Indigène de Gouvernement
Commission Sexta de l’EZLN

Sources : http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2018/05/02/falta-lo-que-falta/

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