Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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Guatemala - Le pro­ces­sus de récu­pération des terres par les com­mu­nautés indigènes et pay­san­nes

publiée le 30/12/2012 par CSIA-Nitassinan

Pour les com­mu­nautés indigènes et pay­san­nes, la lutte pour la terre représ­ente le fon­de­ment matériel et sym­bo­li­que de leur exis­tence. Cette lutte, qui dure depuis plus de 500 ans, se mani­feste actuel­le­ment par une série d’actions dénommée « pro­ces­sus de récu­pération de terres », en contraste avec ce que l’oli­gar­chie des pro­priét­aires ter­riens, l’État et l’opi­nion publi­que appel­lent les « inva­sions de terres ». D’un côté, les occu­pa­tions de fincas met­tent en évid­ence leur reven­di­ca­tion cen­trale : dén­oncer la spo­lia­tion his­to­ri­que de terres com­mu­na­les, com­mencée avec le dével­op­pement de la pro­duc­tion de matières pre­mières dans la divi­sion inter­na­tio­nale du tra­vail ; et d´un autre côté, se libérer des mécan­ismes auto­ri­tai­res de contrôle social et des formes coer­ci­ti­ves de tra­vail aux­quels ils ont été soumis dans les fincas d’agroex­por­ta­tion.

Les expul­sions : la pré­ro­ga­tive his­to­ri­que de la répr­ession sur la négoc­iation

Afin de res­pec­ter l’obli­ga­tion de déf­endre la pro­priété privée, plus de 800 famil­les qui occu­paient 12 fincas dans la vallée du Polochic (dép­ar­tement d’Alta Verapaz) ont été expulsées de force en mars der­nier, en prés­ence et avec la par­ti­ci­pa­tion des pro­priét­aires de l’entre­prise Chabil Utzaj de pro­duc­tion de canne à sucre, la famille Widmann, des forces de l’ordre, du Ministère Public, et des effec­tifs mili­tai­res et des para­mi­li­tai­res embau­chés par l’entre­prise. Ces actions, exécutées en toute impu­nité en prés­ence d’employés du Bureau du Procureur des Droits Humains et des avo­cats généraux du Ministère Public, ne sont pas considérées comme des vio­la­tions de l’État de droit ni comme des actions de caractère ter­ro­riste, mais sont jugées néc­ess­aires pour le res­pect de la loi.

L’État, qui par­ti­cipe de cette struc­ture de rela­tions de domi­na­tion, agit et laisse agir des pro­priét­aires ter­riens et leurs forces de sécurité de manière arbi­traire, pri­vilégiant ainsi les actes répr­ess­ifs plutôt que la négoc­iation. En effet, la recher­che du consen­sus impli­que­rait d’abor­der de façon séri­euse la pro­blé­ma­tique qui émerge avec les occu­pa­tions, celle de la concen­tra­tion des terres. Toutefois, dans le cadre de la déf­ense de la pro­priété privée, les forces de sécurité de l’État et les grou­pes para­mi­li­tai­res des pro­priét­aires s’achar­nent contre les famil­les qui se trou­vent dans les fincas occupées, en com­met­tant de façon pré­méditée et en toute impu­nité, des exé­cutions extra­ju­di­ciai­res. Ce qui s’est passé dans le cas de l’expul­sion de la finca Nueva Linda en 2004 en est un exem­ple concret.

L’action des forces de sécurité publi­que et privée, dans le cas précité comme dans ceux de la vallée du Polochic et tant d’autres, est sou­te­nue par l’État à tel point que, pour la jus­ti­fier, il indi­que de façon réc­urr­ente qu’il agit dans le cadre de la loi et pour faire res­pec­ter la loi. Ainsi, il est impor­tant de réfléchir aux voies et aux mécan­ismes par les­quels pour­rait se concré­tiser le besoin urgent de réf­orme agraire et de la renais­sance de la lutte pour les droits poli­ti­ques et ter­ri­to­riaux des peu­ples autoch­to­nes, face à un État inca­pa­ble de déf­endre la popu­la­tion pay­sanne qui souf­fre des effets du modèle d’accu­mu­la­tion capi­ta­liste dans l’agri­culture guatémaltèque. Ce qui pose le défi de trou­ver de nou­vel­les formes d’orga­ni­sa­tion et de mobi­li­sa­tion, qui per­met­traient de dép­asser le piège démo­bi­li­sateur des espa­ces de dia­lo­gue et de négoc­iation qui ont été pro­posés par les gou­ver­ne­ments au pou­voir depuis des années, comme pal­lia­tifs à ce pro­blème struc­tu­rel.

Sources : http://mondialisme.org/spip.php?article1901