Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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[CHIAPAS] Des nouvelles des prisonniers de l’Autre Campagne

publiée le 22/02/2012 par CSIA-Nitassinan

Message de l’organisation de La Voix de l’Amate et de l’organisation des
Solidaires de la Voix de l’Amate lors du 2ème Séminaire de Réflexion et
d’Analyse « planète terre : mouvements anti-systémiques » qui a eu lieu au
CIDECI (Centro Indígena de Capacitación Integral) à San Cristóbal de Las
Casas, au Chiapas ce mois de décembre 2011.

Prison n°5, San Cristóbal de Las Casas Chiapas, 30 décembre 2011

Compañeros et compañeras des différentes organisations qui sont présentes
ici aujourd’hui, recevez de notre part, les prisonniers injustement
détenus, Solidaires avec la Voix de l’Amate et adhérents à l’Autre
Campagne, notre bonjour ou bonsoir ainsi que nos salutations combatives.

Pour commencer, nous vous saluons tous et toutes, les compagnons et
compagnes de l’EZLN, ainsi que les organisations indépendantes réunies
dans ce forum pour la célébration des 18 ans du soulèvement de l’EZLN en
1994, où des hommes et des femmes ont démontré leur courage et sont sortis
avec des armes et des machettes à la recherche d’une vraie justice, parce
qu’ils-elles ont dit : ¡Ya basta ! Ça suffit de l’exploitation, de
l’humiliation, du pillage. Pour cela ils-elles sont sortis de leurs
maisons à la recherche du bien-être pour tous les peuples oubliés. La
lutte de l’EZLN est un exemple pour toute la société parce que pendant
toutes ces années de lutte ils n’ont pas été battus, au contraire,
ils-elles ont avancé énormément, parce que leurs exemples se sont répandus
partout dans le monde, parce qu’aujourd’hui beaucoup de gens se sont
réveillés grâce à la lutte de l’EZLN qui a su construire sa propre forme
de résistance.

Bon, compagnons et compagnes, nous voulons vous dire, que nous, depuis
cette tranchée de résistance, nous continuerons d’apprendre de vos pas
dans la lutte pour la justice, parce que nous savons depuis toujours que
le mauvais gouvernement fait des promesses jamais tenues,que souvent il
ignore les demandes du peuple, comme aujourd’hui nous sommes entrain de le
vivre avec la mal gouvernance de Sabines qui a ignoré notre action de
grève de la faim réalisée pendant le mois d’octobre ; il n’a pas seulement
ignoré nos demandes mais il a transféré sans justification notre compagnon
Alberto Patishtán Gómez qui se trouve actuellement incarcéré dans le pénal
n°8 de Guasave, dans l’état de Sinaloa.

Mais ce n’est pas une raison pour reculer, au contraire nous continuerons
à dire au Gouvernement ses quatre vérités. Nous ne nous tairons jamais,
bien qu’ils nous aient enfermés, ils ne peuvent pas enfermer notre esprit
et notre pensée.

Bon, compagnons et compagnes de l’EZLN, ainsi qu’à ceux et celles des
organisations indépendantes, merci beaucoup d’avoir écouté notre parole
simple, que Dieu vous donne le courage et la force et que la bénédiction
de notre Mère la Vierge Marie soit avec vous tous et avec vos familles.

Nous ne vous disons pas adieu, mais à bientôt !

¡VIVA EL EZLN !
¡VIVA LAS ORGANIZACIONES INDEPENDIENTES !
¡VIVA LA JUSTICIA !

FRATERNELLEMENT

Des prisonniers injustement détenus,
Solidaires de la Voix de l’Amate : Pedro López Jimenez, Juan Collazo
Jimenez, Alejandro Díaz Santis, Alfredo López Jimenez, Rosa López Díaz, La
Voix de l’Amate : Rosario Díaz Méndez

*2ème Séminaire de Réflexion et d’Analyse « planète terre : mouvements
anti-systémiques » qui a eu lieu au CIDECI (Centro Indígena de
Capacitación Integral) à San Cristóbal de Las Casas, au Chiapas ce mois de
décembre 2011. voir http://segundoseminarioint.blogspot.com/


Lettre de Rosa durant son intervention lors du VI Anniversaire de la Voix
de l’Amate.

La Voz del Amate est une organisation des prisonniers née dans la prison
« El Amate » et qui a pour but de dénoncer les conditions carcérales et
l’injustice dont font l’objet les détenu-e-s, ainsi que de faire sortir
leur voix à l’extérieur. Cette organisation a déjà lancé en 2007 une grève
de la faim de 40 jours qui a permis la libération de tous les
participant-e-s (près de 50 prisonnier-e-s) sauf celle d’Alberto
Pathistan, alors porte-parole du mouvement. Los Solidarios de la Voz del
Amate est une organisation plus récente et qui est solidaire de La Voz del
Amate. Elle est composée de prisonnier-e-s n’ayant pas participé
auparavant à des mouvements ou des luttes.

Moi Rosa López Díaz, je suis une membre de l’organisation Solidaires avec
la Voix de l’Amate, injustement incarcérée.

Compagnons, compagnes, personnes âgées, enfants, et public en général,
bonjour à vous tous ici présents et à tous ceux qui n’ont pas pu venir
pour des raisons diverses, recevez également mes salutations.

Aujourd’hui 8 janvier 2012 j’ai la joie de pouvoir partager avec vous une
brève histoire et à la fois une forte expérience vécue durant les 39 jours
de jeûne, qui a été pour moi le plus dur et le plus difficile.

Premièrement : il est dur de prendre une telle décision, surtout ici dans
la prison. Pour résister à l’injustice, il faut être conscient. Avoir une
conscience c’est aimer la vie, c’est s’aimer soi-même. C’est pour cela que
le mercredi 28 septembre 2011, l’organisation de la Voix de l’Amate,
ensemble avec les Solidaires de la Voix de l’Amate, nous tous adhérents à
l’Autre Campagne de l’EZLN, nous avons pris la décision que le temps était
venu de faire sortir nos voix pour qu’elles soient entendues par la
société et raconter ainsi toute l’injustice que nous vivons en prison
depuis nos emprisonnements injustes. C’est ainsi que le 29 septembre 2011
à 10:30 heure du matin, certains parmi nous se sont déclarés en grève de
la faim et d’autres se sont déclarés en jeûne et ont installé un piquet de
protestation indéfini ; l’une des grévistes en jeûne, c’était moi.

Quand j’ai commencé mon premier jour de jeûne, je ne nie pas que j’ai eu
peur, je me sentais seule. J’ai eu peur quand le directeur de la prison
m’a dit d’arrêter de faire ce que je faisais, que je me faisais du mal à
moi-même en cessant de manger. Je me suis sentie seule quand il m’a dit
qu’ils allaient me retirer mon fils, mais même avec ces menaces, je n’ai
pas montré de peur, je lui ai répondu qu’ils ne pouvaient pas me retirer
mon fils. Le lendemain, est arrivée une avocate du ministère public
chargée du service des femmes, qui a menacé de me retirer mon fils, en me
disant que si je ne voulais pas le perdre, je devais donc arrêter mon
jeûne, je lui ai répondu « vous ne pouvez pas venir me demander
d’abandonner mon jeûne, et avec des menaces en plus, vous pouvez faire ce
que vous voulez, mais mon fils reste avec moi ». Elle m’a dit « je vais te
le retirer, tu verras », et elle est partie.

Je ne savais pas quoi faire, alors j’ai téléphoné à un copain, en lui
expliquant ce qui s’était passé, il m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’ils
ne pouvaient pas me retirer mon fils, ainsi trois jours se sont écoulés et
les compagnons sont venus me rendre visite le dimanche en me disant de
garder courage et que je n’étais pas seule. Ils m’ont dit : « Nous sommes
avec vous et avec toi ». Ce fut comme ça que j’ai commencé à avoir
confiance en moi, car beaucoup de compagnons et de compagnes étaient
dehors attentifs à moi, ainsi je ne me sentais plus seule.

Ils sont même aussi venus prendre mon fils en photo. Le psychologue
montait jusqu’à ma cellule pour me prendre en photo, en me disant
d’arrêter mon jeûne car si je ne mangeais pas je pourrais avoir du
diabète, je lui disais : « merci j’en tiendrai compte ». Les jours ont
passé et j’avais encore plus envie de continuer la lutte en voyant mon
fils si petit et innocent qui n’a commis aucun délit, ici enfermé avec
moi, vivant derrière des barreaux. Parfois il regarde un jouet ou quelque
chose qu’il désire manger et cela me déchire le coeur parce que je ne peux
pas l’acheter. Cette douleur et tristesse de voir mon fils qui ne peut pas
vivre son enfance comme il le devrait, cette douleur me motive pour
continuer à lutter contre l’injustice qui existe dans notre pays. Ainsi
j’ai continué mon jeûne, jour après jour avec des menaces et des
harcèlements, mais avec l’aide de Dieu et de vous j’ai pu surpasser tout
cela…

Jusqu’au 2 novembre, alors là, ce fut la nouvelle la plus dure qui m’est
arrivée, la plus difficile quand ma mère m’a dit que mon fils Natanael
était décédé le 26 octobre. Je ne pouvais pas le croire quand elle me l’a
dit, à ce moment-là, j’ai senti que tout était terminé et je me suis dit,
que tout s’arrêtait là. La douleur et la mort de mon fils m’ont déchiré
l’âme, je me suis sentie si impuissante comme enchaînée des pieds à la
tête, parce que je n’ai pas pu aller à l’enterrement de mon fils pour lui
dire au revoir. J’ai senti à ce moment-là, que je n’allais pas pouvoir
continuer la lutte, ce jour-là, je n’ai pas mangé, le jour suivant non
plus. Je me suis mise à pleurer et à me souvenir que mon fils était né
malade à cause des coups qu’ils m’avaient donnés et il est mort en étant
un bébé sans défense de 4 ans.

Et aujourd’hui, je me demande -les coupables de la mort de mon Natanael :
quel châtiment ont-ils reçu ? Aucun. Ils continuent heureux en jouissant
de la vie, ils continuent d’exercer le pouvoir qu’ils ont pour continuer à
torturer de plus en plus de femmes innocentes. Et je me suis dit, non, ce
n’est pas une raison pour me taire, mais au contraire pour continuer en
avant. Ma douleur m’a poussée et la colère et la rage sont dignes de ma
douleur. Une autre raison de ma tristesse a été mon fils Léonardo, qui me
voyait pleurer et me prenait dans ses bras et avec sa douce voix me
consolait en me séchant mes larmes. Je me suis dit que je ne pouvais pas
cesser de lutter, je dois continuer à lutter pour mon fils, pour ses
droits, il a le droit d’avoir une vie digne comme tous les autres enfants.

Ainsi mon jeûne m’a servi à me donner du courage, j’ai appris à ne pas
avoir peur, à ne pas me sentir seule, à ne pas permettre qu’ils memarchent
dessus, parce que j’ai une dignité pour défendre mes droits, parce que je
ne suis pas seule, parce qu’à cause de l’injustice mon fils Léonardo n’a
pas de vie digne et parce qu’il ne doit pas vivre en prison, en mémoire de
mon fils Natanael je continuerai à lutter contre l’injustice pour
qu’aucune mère ne subisse ce que je suis en train de subir.

Durant mon jeûne, j’ai appris à avoir confiance en moi. Maintenant je sais
que j’ai des droits, et que je dois les faire valoir. Je sais qu’avec
l’aide de Dieu et de vous tous je pourrai continuer ma lutte. Le fait
d’avoir aussi mon fils ici avec moi me donne des forces pour aller de
l’avant. Je n’ai pas à me taire mais à lever la voix devant tant
d’injustice qui existe dans notre pays, surtout au Chiapas, je suis
convaincue que seulement en luttant ensemble nous pourrons changer notre
pays et notre Mexique que nous aimons tant.

Compagnons et compagnes je vous invite à continuer, ne nous fatiguons pas,
ne nous décourageons pas, tôt ou tard arrivera la justice à laquelle nous
aspirons tant, parce que Dieu est justice et amour, je vous souhaite à
tous que ce début d’année 2012 vous apporte beaucoup de succès pour nous
tous.

C’étaient mes mots, je vous remercie de m’avoir écoutée.

Moi Rosa López Díaz

Traduit par Caracol Solidario et Les trois passants

* Source : Cruz Negra Anarquista DF et Noestamxstodxs-Chiapas

Pour plus d’informations :
- Sur les prisonnier-e-s de l’Autre Campagne :
http://liberonsles.wordpress.com

- Chiapas : histoires de prison, organisations, luttes …
http://liberonsles.wordpress.com/prisonniers-de-la-voix-de-lamate-chiapas/