Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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Déclaration du Leonard Peltier Defense Committee (LPDC) devant le Groupe de travail de l’ONU sur les populations autochtones (juillet 2005)

publiée le 22/07/2005 par CSIA-Nitassinan


Le 30 juin 2005, Leonard Peltier a subitement été transféré de la prison fédérale de Leavenworth, où il était emprisonné depuis 17 ans, au pénitencier de Terre Haute, dans l’Indiana. Le 15 août 2005, il a été à nouveau transféré, à l’USP de Lewisburg en Pennsylvanie. Vous trouverez ci-joint le texte du discours que Bobby Castillo, membre de son Comité de Défense, a prononcé à l’ONU, à Genève, lors de la 23e session du Groupe de travail sur les populations autochtones :


COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME
Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme
Groupe de travail sur les populations autochtones
Vingt-troisième session, 18-22 juillet 2005

Déclaration de Bobby Castillo (Leonard Peltier Defense Committee - LPDC)

Point 4 : Examen des faits nouveaux concernant la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones
(a) Débat général

Monsieur le Président,

Comme vous le savez bien, Monsieur le Président, Leonard Peltier, un Lakota-Anishinabe, membre de l’American Indian Movement (AIM) et défenseur des droits de l’homme et des autochtones mondialement connu, est toujours incarcéré arbitrairement depuis près de 30 ans aux États-Unis pour un crime qu’il n’a pas commis [1]. Il nous a demandé de vous faire part depuis sa cellule en prison de ses salutations les plus chaleureuses, à vous Monsieur le Président, à tous les membres du Groupe de travail. Il est très important pour lui de savoir qu’il n’est pas oublié et que son cas continue de nous rappeler comment les systèmes judiciaire et pénal des États–Unis traitent les peuples autochtones qui luttent pour le respect de leurs droits.

M. Peltier n’est pas et n’est jamais allé en prison pour la réparation d’un crime. Il est plutôt détenu pour des raisons politiques et répressives [2].

Nous étions prêts à travailler avec notre frère Leonard Peltier sur notre déclaration pour le Groupe de travail de cette année. Malheureusement, le 30 juin, il a été transféré, sans notification à sa famille ni à son avocat, de la prison fédérale de Leavenworth – dans laquelle il était emprisonné depuis 17 ans – au pénitencier américain de Terre Haute, dans l’Indiana. Il a été placé immédiatement en isolation, au "trou". Leonard a soixante ans, il souffre d’arthrite, de problèmes osseux, de tous les malaises liés au diabète et il a eu dernièrement une crise cardiaque. Nous voudrions rappeler aux membres du Groupe de travail que, de 1996 à 2000, M. Peltier a souffert d’un grave problème à la mâchoire, ce qui l’a rendu incapable de mâcher correctement et lui a occasionné des douleurs et des maux de tête constants. Les équipements médicaux de la prison n’ont pas pu traiter convenablement son état de santé et les deux opérations chirurgicales pratiquées en prison ont encore aggravé la situation. Un médecin de la clinique Mayo avait proposé de soigner sa mâchoire gratuitement, mais son offre a sans cesse été rejetée jusqu’à ce que le Rapporteur sur la torture des Nations Unies réprimande fortement les États-Unis pour soumettre M. Peltier à un traitement inhumain.

Alors que nous sommes réunis aujourd’hui à Genève, M. Peltier reste détenu arbitrairement au pénitencier de Terre Haute, en isolation, privé de tous ses droits en tant que prisonnier et des droits de l’homme fondamentaux. On lui dénie le droit de téléphoner, de recevoir des visites et les droits religieux autochtones. De plus, il ne peut ni écrire ni recevoir de lettres, il ne peut même pas respirer d’air frais et il n’a plus de médicaments. Notre organisation a lancé une campagne nationale et internationale pour demander aux organes des droits de l’homme et à ses défenseurs d’intervenir d’urgence en son nom.

M. Peltier était un prisonnier modèle respecté au pénitencier de Leavenworth, c’est un ancien, il a de graves problèmes de santé et ne représente aucun danger pour le système. Comme Barry Bachrach, son avocat, l’a déclaré récemment, « il n’y a pas de réel fondement pour le soumettre à ce genre de traitement. »

Madame Rigoberta Menchu Tum, Prix Nobel de la Paix et Ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO pour une culture de la paix, a envoyé le 8 juillet un message au Bureau fédéral des prisons des États-Unis, par solidarité avec Leonard Peltier. Laissez-moi vous en lire quelques phrases : « Je fais appel à votre conscience, à votre sens de l’humanité pour que les droits de l’homme fondamentaux de M. Peltier soient pleinement respectés. De plus, il est nécessaire que ce leader amérindien très connu et respecté, soit transféré dans une meilleure prison. De nombreux leaders et membres de peuples autochtones du monde entier sont très inquiets au sujet du traitement qu’il subit, que nous estimons très indigne et inhumain. Nous vous envoyons un appel pour revoir d’urgence les circonstances qui maintiennent M. Peltier en prison. J’espère que les autorités entendront cet appel humanitaire. Le monde entier, en particulier les peuples autochtones, vous remercieront. »

Notre organisation demande aux gouvernements concernés de faire cesser les violations des droits des prisonniers autochtones, notamment de leurs droits spirituels et humains reconnus dans la législation nationale et dans les instruments internationaux à caractère obligatoire. Nous demandons instamment la fin de la criminalisation des dissidents politiques résultant dans des arrestations arbitraires et des sanctions inhumaines contre les prisonniers politiques autochtones, comme dans le cas de notre frère Leonard Peltier et de plusieurs Mapuche injustement incarcérés au Chili, après une prétendue campagne antiterroriste.

Monsieur le Président,

Notre organisation demande une assistance urgente de la communauté internationale en réponse à la nouvelle situation de crise, qui a provoqué une nouvelle violation des droits de Peltier et met actuellement sa santé en danger. Nous invitons toutes les ONG autochtones et des droits de l’homme et le Groupe de travail sur les populations autochtones à intervenir au nom de ce défenseur des droits des autochtones.

Nous invitons le Haut–Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, le Groupe de travail sur les populations autochtones, le Groupe de travail sur les détentions arbitraires, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales des populations autochtones, le Représentant spécial du Secrétaire général sur les défenseurs des droits de l’homme, les membres de l’Instance permanente sur les questions autochtones, à envoyer un appel urgent au gouvernement des États-Unis et à manifester leurs préoccupations au sujet de la situation de M. Peltier.

Pour finir, nous aimerions souligner que la discrimination institutionnalisée à l’encontre des peuples autochtones constitue un obstacle majeur à la jouissance des droits de l’homme. Nous proposons donc que "l’administration de la justice" soit un point permanent de l’ordre du jour des sessions futures du Groupe de travail sur les populations autochtones et nous suggérons que ce point devienne le thème principal d’une prochaine session.

Merci Monsieur le Président.

Présenté par Bobby Castillo (Nation Apache/Xicano, Porte-parole international du Comité de défense de Leonard Peltier)

1) Le témoignage personnel de M. Peltier est enregistré dans le document de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies E/CN.4/1997/NGO/80

2) En 1977, M. Peltier a été jugé aux États-Unis, où il n’a pas bénéficié d’un procès équitable, en violation de la Constitution de ce pays et des normes internationales en matière de droits de l’homme. Le juge a prononcé une sentence alors que de nouvelles preuves soutenaient l’innocence de M. Peltier. Les voies de recours que ce dernier aurait pu utiliser ont ainsi été faussées d’une manière extrêmement injuste.
Nous faisons observer que durant les 17 dernières années, le gouvernement des États-Unis a admis à maintes reprises qu’il ne pouvait pas prouver qui est coupable du crime pour lequel M. Peltier a été condamné à l’origine (voir Peltier V. Henman, 997 F.2 at 469). De plus, la cour d’appel a conclu que M. Peltier aurait pu être acquitté si le FBI n’avait pas retenu abusivement des preuves. Cependant, un nouveau procès n’a jamais été obtenu.

Traduction : Sylvain Duez-Alesandrini