Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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Mexique, élections et peuples indigènes

publiée le 01/07/2012 par CSIA-Nitassinan

Ce 1er juillet, quand les membres des divers peuples indigènes du Mexique
se déplaceront pour élire le prochain président de la République, pour
renouveler le pouvoir législatif ou n’importe quel autre poste à
responsabilité locale, ils le feront en sachant pertinemment que, pendant
la campagne, aucun des candidats à ces postes n’a pris sérieusement en
compte les demandes et les aspirations de nos peuples. La candidate du
Parti d’action national (PAN) les a complètement ignorées ; celui du Parti
révolutionnaire institutionnel (PRI) y a fait référence et a promis de
continuer à fournir une assistance - soit très peu - tandis que le
Mouvement progressiste (1) a, d’une part, pris position en faveur de ces
demandes et, simultanément, s’est déclaré favorable à la poursuite des
mégaprojets contre lesquels ces peuples luttent, car ils violent leurs
droits et menacent leur futur.

De nombreux citoyens se demandent pourquoi les candidats devraient se
prononcer sur la question des peuples indigènes ; il y a plusieurs façons
de leur répondre. L’une d’elles est que les peuples indigènes existent et
ont des droits reconnus que, jusqu’à présent, l’État n’a pas respectés, ce
qui pose la question de savoir ce que pensent faire les prochains
fonctionnaires. Officiellement, il existe au Mexique soixante-deux peuples
indigènes qui représentent au moins dix pour cent de la population
mexicaine, un pourcentage non négligeable en terme de voix et c’est bien
cela qui intéresse les candidats et les partis ; mais aussi et surtout
c’est parce que ces peuples sont dans une grande mesure les propriétaires
d’une partie importante du territoire national et des ressources
naturelles qui y sont localisées ; chacun de ces peuples a sa propre
culture, à partir de laquelle il forge sa propre conception du pays et de
son avenir, celui de la nation et le leur.

Parce qu’ils n’acceptent pas cette situation, actuellement plusieurs
peuples indigènes luttent contre l’État et contre des entreprises de
natures diverses qui violent leurs droits. Parmi ces luttes, les plus
notables sont celles qui les opposent aux compagnies minières, aux
sociétés qui tentent de privatiser l’eau, les forêts et la terre, qui les
empêchent de pêcher dans les mers qui touchent leurs villages pour se
procurer leur nourriture ou qui envahissent leurs territoires pour
profiter de la force éolienne et produire une énergie dont ils ne tirent
aucun profit. Il s’agit de projets dont le dénominateur commun est le
pillage du patrimoine des peuples indigènes. Mais il existe d’autres
luttes qui, face à l’incapacité de l’État, essaient de construire des
gouvernements et des systèmes propres. En guise de synthèse, tandis que
les partis se battent pour prendre le pouvoir, les peuples luttent pour
leur autonomie.

Dans les circonstances politiques actuelles, les élections pour
l’obtention de responsabilités publiques et la lutte pour l’autonomie sont
deux voies bien distinctes, qui ne peuvent que difficilement se
rencontrer, car la structure actuelle de l’État, qui va se doter de
nouveaux fonctionnaires et de nouveaux représentants populaires, empêche
le plein exercice des droits pour lesquels les peuples indigènes se
battent. Beaucoup ne comprennent pas cette situation ; c’est pourquoi ils
s’étonnent de ce que les peuples ne s’expriment pas nettement sur les
élections, et, plus spécifiquement, qu’ils ne prennent pas position en
faveur d’un candidat particulier ; mais les peuples qui luttent pour leurs
droits savent que, quel que soit le vainqueur, il faudra qu’ils continuent
à se battre pour leurs droits. Qui peut gagner n’est pas indifférent, mais
ils ne voient pas pourquoi ils se prononceraient là-dessus.

C’est pourquoi il est à peu près sûr que, dimanche, à l’heure de voter,
les citoyens appartenant aux peuples indigènes ne voteront pas de façon
uniforme. Pour le choix du président de la République, beaucoup voteront
pour le candidat du Mouvement progressiste, mais ces mêmes électeurs
voteront sûrement contre certains candidats à la députation de cette
coalition politique, car ce sont eux qui, souvent, s’opposent à leurs
luttes. D’autres, certainement, ne voteront pas, déçus par le mode de
désignation des candidats, par l’absence de propositions ou par
l’indifférence envers leurs combats. Enfin, ne manqueront pas ceux qui
émettent des déclarations enflammées à l’adresse de la classe politique
pour exiger, au nom des peuples indigènes, des espaces à l’intérieur de la
bureaucratie étatique. Tant pis pour eux et pour ceux qui les suivent. Les
peuples indigènes suivent une autre voie.

Francisco López Bárcenas
"La Jornada", Mexico, 29 juin 2012.

Traduit par Silfax.

(1) Nom adopté par une coalition électorale de circonstance, comprenant le
PRD, autour de la candidature d’Andrés Manuel Lopez Obrador à la
présidence de la République (note de "la voie du jaguar").

http://www.lavoiedujaguar.net/Mexique-elections-et-peuples


LA VOIE DU JAGUAR
informations et correspondance pour l’autonomie individuelle et collective
lavoiedujaguar@riseup.net

http://lavoiedujaguar.net