Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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Déclaration du Congrès national indigène (CNI) - Ville de Mexico (District fédéral), le 30 août 2012

publiée le 05/09/2012 par CSIA-Nitassinan

À l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN)
À tous les indigènes du Mexique et du monde,
À la société civile nationale et internationale
À la Zesta Internationale
Aux organisations et aux membres de « La Otra Campaña »
Aux organisations solidaires du Mexique et du monde.

Nous nous manifestons pour partager le Coeur de nos Peuples, Nations,
Tribus et Quartiers, et en tant que membres du Congrès national indigène
nous avons décidé d’un commun accord de faire connaître notre Parole et
notre Pensée, après avoir travaillé lors des réunions tenues les 10, 25
et 26 août 2012, dans le District fédéral de ce pays qui est le notre,
le Mexique.

Considérant :

- Que les grandes entreprises transnationales, les organismes financiers
nationaux et internationaux et les Mauvais Gouvernements de l’État
mexicain continuent leur guerre d’extermination, de destruction et de
mort envers tous ceux qui luttent pour la vie, le travail, la paix, et
la culture du respect ;

- Que les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire qui existent au
Mexique se sont unis pour justifier les humiliations, les vols, les
assassinats, les emprisonnements, l’exploitation, les spoliations envers
les peuples originaires du Mexique et la majorité de la population ;

- Que les politiques et les actions des mauvais gouvernements de la
Fédération, des États et des municipalités n’ont réussi qu’à renforcer
le crime organisé et à accentuer la nette faiblesse d’un système
économique, politique et social qui laisse dans la pauvreté la majorité
des Mexicains, au profit d’un petit nombre de chefs d’entreprise
exploiteurs et de politiciens qui changent de parti en fonction de leurs
intérêts particuliers, ce qui affecte l’ensemble de la population
travailleuse, les non salariés, les paysans, les jeunes, les femmes et
les enfants ;

- Que la mort, la spoliation et l’exploitation signifient de grands
profits pour les puissants et leurs laquais qui appliquent les
politiques néolibérales du capitalisme ;

- Que nous, les indigènes du Mexique, les pauvres, les ignorés de
toujours, nous sommes prêts à vivre notre vie pour démontrer qu’un autre
monde est possible, beaucoup plus humain que celui en vigueur, c’est
pour cette raison que nous avons décidé de faire connaître la
déclaration suivante :

DÉCLARATION

Premièrement. — Nous continuerons à construire et à défendre
l’autonomie, l’autodétermination et la reconstitution intégrale de nos
territoires, le soin de la nature et de nos sites sacrés, ainsi que de
notre culture, de la terre, de l’eau, des déserts et des montagnes. Nous
continuerons à lutter jusqu’à obtenir la Justice, la Démocratie et la
Paix que nous méritons tous, nous les Mexicains.

Deuxièmement. — Après avoir écouté la parole qui signale les luttes
et les résistances qu’il y a sur tout le territoire mexicain contre
cette guerre d’extermination, nous cherchons à faire fraterniser nos
luttes et nous sommes décidés à unir nos coeurs et nos mains pour que se
construise la paix. Nous soutenons toutes les luttes justes au Mexique
et dans le monde, et en particulier les suivantes :

a) celle que mène la Tribu Yaqui pour éviter d’être dépouillée de son
eau par la construction de l’aqueduc du barrage du Novillo, de la part
des gouvernements de la Fédération et de l’État de Sonora et de grands
chefs d’entreprise comme Carlos Slim. La spoliation continue bien qu’ils
aient gagné des jugements et des mesures de protection. Nous exigeons
l’arrêt immédiat de la construction de l’aqueduc et le châtiment de ceux
qui attentent contre l’existence de la Tribu Yaqui en prétendant la
dépouiller de son eau.

b) Celle des frères wixárikas, qui sont unis dans le Conseil Régional
Wixárika, qui regroupe les villages de Cuexcomatitlán, Teponuajuaxtlan
et la Communauté autonome de Bancos de San Hipólito, qui défendent la
vie, les lieux sacrés et leur culture contre les entreprises minières du
grand capital.

c) La communauté indigène coca de Mezcala exige le châtiment du groupe
paramilitaire que dirige le patron envahisseur Guillermo Moreno Ibarra,
qui intimide, provoque, divise et menace les membres de cette
communauté. Nous exigeons le respect des décisions prises par les
Assemblées communales, et nous ne permettrons pas qu’on criminalise leur
lutte pour la conservation de la terre et du territoire. Nous exigeons
que restent libres de toute charge pénale les frères /comuneros/ de
Mezcala qui ont été accusés de manière injuste par les puissants, avec
l’aide des gouvernements de l’État de Jalisco et de la municipalité,
dans un jugement totalement irrégulier qui dure depuis plus d’un an.

d) La communauté mazahua de San Antonio Pueblo Nuevo de San José del
Rincón, État de Mexico, qui exige la reconnaissance et le respect de ses
1846 hectares de terre communale dont les mauvais gouvernements veulent
la dépouiller, de même qu’ils prétendent les transformer en terre
d’/ejido/, premier pas vers leur privatisation [1]. Ils signalent
également que quelques membres de leur communauté qui sont arrivés à la
ville de Mexico depuis les années 1950-55 par besoin d’avoir une vie
meilleure subissent aujourd’hui la répression, le racisme,
l’humiliation, de la part des autorités du Gouvernement du District
Fédéral et de ceux qui n’ont pas tenu l’engagement signé dès 1997 pour
le réordonnancement de la voie publique, dans lequel il avait été
convenu du replacement sur un lieu artisanal.

e) Le village purhépecha de Cherán a actuellement trois demandes de
base : la Justice, la Sécurité, et la Reconstitution de son territoire.
Il exige le respect de ses propres formes d’auto-organisation et de ses
institutions politiques de la part des gouvernements de la Fédération et
de l’État du Michoacán. Il exige aussi une enquête et le châtiment des
coupables des disparitions, enlèvements, torture et assassinats des
frères /comuneros/. Nous exigeons le démantèlement du crime organisé qui
a dévasté la forêt, et qui affecte la vie et la liberté du peuple
purhépecha.

f) Le village amuzgo de Xochistlahuaca, dans l’État du Guerrero,
perpétue la pratique d’appliquer ses connaissances pour défendre la
terre mère et ses coutumes ancestrales, de même que sa langue
maternelle. Ils le font notamment au travers de leur radio communautaire
connue à l’échelle nationale et internationale, Radio Ñomndaa La Parole
de l’Eau. Nous exigeons qu’ils soient respectés et qu’il n’y ait pas de
harcèlement contre ce village et sa radio.

g) L’ejido chol de Tila, dans la zone nord du Chiapas, exige le
respect de sa terre et de son territoire car ils sont contre la
spoliation de 130 hectares que veut leur infliger le Gouvernement du
Chiapas qui, au travers de l’expropriation, prétend leur enlever ce
qu’il y a de plus sacré pour les peuples et qui est la terre mère. Nous
exigeons que la Cour suprême de justice (SCJN) résolve en leur faveur la
demande 259/82 qu’ils ont déposée, et dont le verdict devrait tomber le
3 ou le 4 septembre. Le village de Tila n’est pas prêt à se laisser voler.

h) Les communautés de San Francisco Xochicuautla, Huitizizilapan de la
commune de Lerma, et Ayotuxco, de la commune de Huixquilucan, regroupées
dans le Front des Peuples indigènes pour la défense de la Terre Mère de
la région Otomí Mexica (État de Mexico) exigent le respect de leur
autonomie et le droit ancestral à leur territoire. Elles dénoncent les
violations de leurs droits, la menace et l’intimidation qu’elles
subissent parce qu’on veut les dépouiller de leurs ressources naturelles
et de leur territoire avec la construction du projet routier
Toluca-Naucalpan.

i) La lutte que mènent les peuples Ikoots et Binnizá dans la région de
l’Isthme de Tehuantepec, dans l’État d’Oaxaca, contre l’entreprise
éolienne Mareña Renovables qui est à la tête de la spoliation de terre
et territoire avec la prétention de construire le parc éolien appelé
« San Dionisio e Ismeño ». Nous rendons responsable le grand capital
dirigé par l’entreprise Mareña Renovables et le Fonds d’infrastructure
Macquaire, entre autres, des conflits qui dériveraient de leur volonté
de pénétrer sur ces territoires contre la volonté des peuples.

j) Les villages situés au sud et à l’ouest de la ville de Mexico
(District fédéral), sont contre la construction du projet routier
baptisé Arco Sur, parce qu’il porte atteinte à leurs terres et
territoires. Ce projet est considéré comme un sous-produit du Projet
National d’ Infrastructure qu’ils rejettent catégoriquement. Ils
dénoncent les menaces et les actions qui dérivent de l’application de
l’ALENA par les grandes firmes multinationales.

k) La communauté de San José del Progreso (Oaxaca), regroupée dans la
Coordination des villages unis de la vallée d’Ocotlán s’oppose au projet
minier qui fait partie des concessions accordées par le gouvernement
fédéral aux multinationales, dans ce cas à l’entreprise canadienne
Fortuna Silver Mines et Minera Cuzcatlán, et qui laisse déjà pour cette
année un solde de deux /compañeros/ tués et trois autres blessés parmi
les opposants à la spoliation et à la pollution des projets à ciel ouverts.

l) La communauté zapotèque de San Isidro Aloapam dans la Sierra de
Juárez, demande la liberté du /comunero/ Pablo López Alavez, qui est
membre du Conseil indigène populaire d’Oaxaca Ricardo Flores Magón
(CIPO-RFM) et qui se trouve incarcéré à la prison de Villa de Etla
(Oaxaca) pour avoir défendu la forêt et les terres contre les pilleurs
de bois et les militaires qui résident dans la commune de San Miguel
Aloapam.

m) Nous exigeons des gouvernements de la Fédération et de l’État du
Guerrero le respect des villages et communautés qui sont regroupés
autour de la Coordination régionale des autorités communautaires de La
Montaña et Costa Chica et de leur police communautaire, CRAC-PC.
Également l’arrêt du harcèlement et des accusations mensongères contre
leurs autorités, élues en Assemblées. Tout cela dans le but d’affaiblir
l’organisation de nos peuples, de fomenter la division entre les
communautés pour appuyer les grandes entreprises transnationales, au
premier rang desquelles les compagnies minières.

Troisièmement. — Nous saluons avec plaisir la prochaine réunion du
Congrès national indigène de la Région Nord-ouest du Mexique, qui aura
lieu les 31 août, 1er et 2 septembre de l’année en cours, en Basse
Californie, et à laquelle convoquent les soeurs et frères des peuples,
nations et tribus de cette région, parmi lesquels se trouvent les
Kumiai, les Cucapá, les Yaquis et les Mayo.

Nous appelons les Peuples, Nations, Tribus et Quartiers à faire tout
leur possible pour assister à cette importante réunion du CNI.

Nous nous joignons aussi à l’invitation que nous lancent les frères de
la Tribu Yaqui à réaliser sur leur territoire une réunion les 12 et 13
octobre de l’année en cours.

Quatrièmement. — Nous dénonçons les agressions que subissent
constamment les Conseils de bon gouvernement et les bases de soutien de
l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), de la part des
gouvernements de la Fédération, de l’État et des municipalités, ainsi
que des membres de partis politiques comme le PRI, le PVEM et le PRD, et
des organisations paramilitaires comme l’Organisation régionale des
caféiculteurs d’Ocosingo (ORCAO). Nous appelons les hommes et les femmes
du monde entier à trouver le chemin pour être aux côtés des communautés
zapatistes et leur apporter leur soutien dans la lutte qu’ils livrent
contre la politique néolibérale qui cherche à les opposer sur le
territoire libéré depuis qu’ils ont récupéré les terres en 1994. Nous
exigeons la liberté de notre frère Alberto Patishtán, injustement
emprisonné depuis des années.

Cinquièmement. — Devant la situation que vit notre pays, pleine
d’insécurité, d’agressions constantes, de harcèlement, de menaces, de
disparitions, d’enlèvements et de meurtres de nos frères et soeurs sur
tout le territoire mexicain, nous avons décidé de nous déclarer en
Session permanente, dans le but de donner une réponse rapide et ainsi
d’éviter l’impunité, l’injustice, et surtout de rester vigilants pour
vivre en paix, en toute tranquillité à l’intérieur de nos communautés.

Sixièmement. — Nous revendiquons une nouvelle fois les Accords de San
Andrés comme notre Constitution pour atteindre l’autonomie, la libre
autodétermination de nos peuples et la reconstitution intégrale des
Peuples indigènes de notre pays, le Mexique.

Septièmement. — Nous invitons la communauté nationale et
internationale, les hommes et les femmes, les jeunes, les vieillards, à
garder leur coeur sain afin de se joindre aux actions de soutien pour la
défense de notre culture, de notre terre et nos territoires, de nos
lieux sacrés, de nos aliments et plantes, de notre lutte pacifique, et
pour ne pas permettre que les politiques néolibérales nous détruisent.

Jamais plus un Mexique sans nous

Congrès National Indigène,

Ville de Mexico (District fédéral), le 30 août 2012.

[1] Il existe dans la loi mexicaine deux sortes de terre collective :
celle des communautés indigènes, la terre communale, est intouchable ;
celle des /ejidos/, communautés paysannes pas forcément indiennes, peut
en revanche être morcelée et vendue par lots --- chaque membre pouvant
réclamer « sa part » --- depuis la réforme de l’article 27 de la
Constitution imposée par le président Salinas de Gortari en 1992. /NdT./

Traduit par el Viejo