Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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Le 27 février 2013, marque les « 40 ans de l’occupation de Wounded Knee » par l’American Indian Movement

publiée le 27/02/2013 par CSIA-Nitassinan


Aujourd’hui 27 février 2013, marque les « 40 ans de l’occupation de Wounded Knee » par les militants de l’American Indian Movement (AIM). Cet événement fut un tournant majeur dans l’histoire moderne des peuples autochtones dans les Amériques. Pour célébrer cet anniversaire, le CSIA-Nitassinan vous propose cet article de nos amies, Joëlle Rostkowski et Nelcya Delanoë, publié dans le Journal L’Humanité, du week-end dernier.

De Wounded Knee (1890) 
à Wounded Knee (1973)

Le 27  février 1973, 200 Sioux Oglala, menés par un groupe de l’American Indian Movement (AIM), occupent le hameau de Wounded Knee, sur la réserve de Pine Ridge (Dakota du Sud). Sur ce lieu même, le 29 décembre 1890, les Indiens de la bande de Big Foot avaient été massacrés.

Le 27 février 1973, quelque 200 Sioux Oglala, menés par un groupe de l’American Indian Movement (AIM), dont Russel Means (Oglala) et Dennis Banks (Chippewa), occupèrent le hameau de Wounded Knee, sur la réserve de Pine Ridge (Dakota du Sud). Ils voulaient ainsi protester contre la corruption et la mauvaise gestion du chef du Conseil tribal élu, Richard Wilson. Ils soulignaient également ainsi les conditions de vie déplorables de cette réserve, l’une des plus pauvres des États-Unis. Enfin, ils réclamaient une enquête sur la violation des traités signés avec Washington.

Au-delà, les militants cherchaient à toucher un point sensible de la conscience américaine. Le massacre de Wounded Knee, perpétré sur ce lieu même, le 29 décembre 1890, marqua en effet la fin des guerres indiennes en scellant l’effondrement des peuples sioux et l’ouverture définitive de l’Ouest aux colons euro-américains. Enfin, ce massacre reste de triste mémoire, car y furent abattus aussi des non-combattants, des femmes et des enfants. Il s’agissait de la bande de Big Foot qui, après l’assassinat de Sitting Bull par un policier indien à Standing Rock, allait se réfugier à Pine Ridge.

Six années auparavant pourtant, en 1868, les Sioux avaient signé le traité de Fort Laramie avec les États-Unis. Si ce traité leur concédait une réserve assez vaste, il n’avait jamais été vraiment respecté. En 1874 de surcroît, la presse locale annonçait la découverte d’or dans les Black Hills, terres sacrées des Sioux, aussitôt envahies et
forées de toutes parts.

Dans ce contexte dramatique, les Sioux avaient reporté leurs espoirs dans les prédictions de Wovoka, «  le Prophète  » qui annonçait la réapparition des morts indiens et le départ des conquérants «  blancs  ». Pour hâter le retour des défunts, les disciples de Wovoka pratiquaient avec ferveur la ghost dance (danse des esprits). Cette danse inquiétait les autorités et inspirait des articles alarmistes dans la presse régionale : les Indiens étaient devenus fous. Les colons des environs, pensant qu’il s’agissait d’une danse guerrière, réclamaient une surveillance militaire. Des troupes furent envoyées, avec l’ordre de fouiller tous les campements pour y confisquer les armes. C’est ce qui se passa à Wounded Knee, dans le camp de Big Foot. Un Indien aurait contesté l’ordre des soldats, ces derniers ripostèrent en abattant près de 200 personnes.

Rétrospectivement condamné par les autorités fédérales, le massacre de Wounded Knee demeure l’un des épisodes les plus sombres des guerres indiennes. Aussi les militants qui occupèrent le village de Wounded Knee en 1973 éveillèrent-ils la sympathie de l’opinion américaine et l’intérêt des médias. Dans le contexte du mouvement de défense des droits civiques, la montée du red power faisait sortir les Indiens de l’oubli.

L’occupation de Wounded Knee correspondit à l’exacerbation d’une série d’actions militantes au sein d’un mouvement de contestation polymorphe, dont l’AIM était l’aile la plus radicale. L’occupation de l’île désolée d’Alcatraz en 1969, dans la baie de San Francisco, métaphore de la condition indienne, avait mis en évidence la pauvreté des réserves. En 1972, l’occupation du Bureau des affaires indiennes avait dénoncé à Washington même l’incurie de l’administration des affaires indiennes.

Le hameau de Wounded Knee fut envahi par 200 activistes armés, qui prirent onze otages. Les occupants demandèrent que le sénateur Edward Kennedy entreprenne une enquête sur l’administration des réserves et la violation des traités. Des journalistes affluèrent autour de l’église du Sacré-Cœur, construite à côté des tombes des victimes du massacre de 1890, dont les occupants avaient fait un camp retranché.

Face à leur détermination, le gouvernement tenait à éviter une épreuve de force directe. Les otages furent relâchés grâce à la médiation de deux sénateurs du Dakota du Sud, tandis que le blocus de Wounded Knee était organisé avec des moyens considérables : des centaines de policiers et des agents du FBI furent envoyés sur place ; des chars cernèrent le village et des hélicoptères chargés de bombes survolèrent la région. Les occupants se déclaraient prêts à un nouveau combat du désespoir («  C’est un beau jour pour mourir », déclarait Russel Means). Fusillades sporadiques et coups de semonce alternaient avec des négociations. Le conflit entraîna des victimes de part et d’autre : deux morts parmi les manifestants, un blessé grave parmi les policiers et plusieurs blessés légers.

Le siège dura trop longtemps (de 27 février au 5 mai) pour que les militants puissent entretenir jusqu’au bout, même au niveau local, le climat de sympathie qui soutenait leur action. Finalement les occupants reçurent un ultimatum : ils devaient évacuer Wounded Knee après avoir déposé les armes. Le gouvernement s’engageait à examiner leurs revendications : enquête sur la violation des traités, sur la mauvaise gestion et la corruption du Conseil tribal, amélioration des conditions de vie dans la réserve de Pine Ridge. Rétrospectivement, l’occupation de Wounded Knee apparaît comme l’une des manifestations les plus spectaculaires de l’action militante amérindienne au cours des années 1970. Elle conféra une visibilité médiatique à la cause, mais les conditions de vie à Pine Ridge n’en furent guère modifiées. Les représentants de la Maison-Blanche ne rencontrèrent pas les leaders indiens pour renégocier le traité de 1868 et l’enquête sur la corruption à Pine Ridge fut abandonnée. Selon l’écrivain Vine Deloria, l’un des chroniqueurs engagés du red power, le problème fut noyé dans la haine, les palabres et les articles à sensation.

Au cours des mois et des années qui suivirent, les militants de l’AIM devinrent la cible de la répression policière. Certains purent s’enfuir, d’autres furent traduits en justice à l’issue de procès houleux – dont celui concernant l’assassinat d’Anna Mae Pictou, une de leurs militantes qui aurait été éliminée comme agent du FBI par l’un d’entre eux. Leonard Peltier, accusé du meurtre d’un agent du FBI à la suite d’une altercation mal élucidée, est toujours en prison, en dépit d’un espoir éphémère de libération à la fin de l’administration Clinton.

Voix indiennes, voix américaines. Les deux visions 
de la conquête du Nouveau Monde, de Joëlle Rostkowski et Nelcya Delanoë. Éditions Albin Michel, 2003, 
407 pages, 22,80 euros.

Joëlle Rostkowski et Nelcya Delanoë
in Journal « L’Humanité » - du vendredi 15, samedi 16 et dimanche 17 février 2013 - n° 21109 - http://www.humanite.fr/tribunes/de-wounded-knee-1890-wounded-knee-1973-515327


POUR NE PAS OUBLIER, LE PRISONNIER POLITIQUE AMÉRINDIEN, LEONARD PELTIER...

En ce jour symbolique du mercredi 27 février 2013 : “40 ans de l’occupation de Wounded Knee”, pour ne pas oublier les victimes du règne de la terreur sur la réserve de Pine Ridge dans les années 1970 et pour exprimer votre solidarité avec le militant de l’American Indian Movement, Leonard Peltier, toujours incarcéré, vous pouvez vous rendre aujourd’hui au rassemblement hebdomadaire pour Mumia Abu Jamal et Leonard Peltier, qui se déroulera comme à chaque fois :

Rassemblement chaque mercredis pour Mumia Abu Jamal et Leonard Peltier
Paris, Place de la Concorde (angle rue de Rivoli et Jardin des Tuileries) - de 18h à 20h