Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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Wall Street est une terre amérindienne occupée !

publiée le 18/11/2011 par CSIA-Nitassinan

Lettre ouverte d’un Autochtone aux militants d’Occupez Wall Street
Par John Paul Montano, Anishinabe

Samedi 24 septembre 2011

Merci pour votre courage. Merci pour votre tentative d’améliorer la situation dans ce qui s’appelle maintenant les États-Unis. Merci pour votre attachement à la paix et la non-violence. Merci pour vos sacrifices. Merci.

Juste une chose. Je ne fais pas partie des 99% dont vous parlez. Et ça m’attriste. S’il vous plait, ne vous méprenez pas. Je voudrais faire partie des 99%... mais vous avez choisi de m’exclure. Peut-être n’en aviez vous pas l’intention, mais vous m’avez exclu. En fait, des millions d’entre nous, peuples autochtones, ont été exclus du mouvement de protestation Occupez Wall Street. Sachez, s’il vous plait, que je me doute que cette exclusion n’était pas volontaire de votre part. C’est pourquoi je vous écris. Je crois que vous pouvez réparer cette erreur. (J’espère que vous avez encore le sourire.)

Il semble que depuis que nous, les Autochtones, avons découvert les Européens et les avons invités à nous rendre visite ici, sur notre terre, nous avons dû subir d’innombrables « -ismes », religions, programmes sociaux et autres, destinés à nous « réparer ». Le Protestantisme, le Socialisme, le Communisme, la Démocratie Américaine, le Christianisme, les Pensionnats et autres écoles… bref, vous comprenez. Et il s’avère aussi que ces stratégies soit disant « éclairées » ont presque toujours été mises en pratique et imposées sans notre consentement. Et je suppose que vous savez comment çà a fini pour nous. Oui. Horriblement.

Ce qui me ramène à vos activités, par ailleurs très intéressantes, d’Occupez Wall Street. Le 22 septembre, j’ai lu avec beaucoup d’enthousiasme votre déclaration d’ « Une revendication ». J’espérais, je croyais que des gens « éclairés » comme vous, combattant pour la justice et l’égalité, et pour la fin de l’impérialisme, etc., etc., mentionneraient le fait que le territoire sur lequel vous protestez ne vous appartient pas, que vous êtes des hôtes sur des terres indigènes volées. J’espérais que la nation indigène dont c’est le territoire serait mentionnée. J’espérais que vous traiteriez la question de l’histoire de tous ces siècles pendant lesquels, nous les autochtones avons subi les innombrables « -ismes » de tous les « bienfaiteurs » prétendant construire une « société plus juste », un « monde meilleur », un « pays de la liberté » sur nos sociétés indigènes, sur nos terres indigènes, en détruisant et/ou ignorant nos modes de vie. J’espérais que vous reconnaîtriez tout cela, vu que vous êtes des colons sur un territoire indigène et avez besoin de – et devriez vouloir – notre consentement pour construire quoique ce soit sur notre territoire – qui plus est, toute une société. Vous voyez où je veux en venir ? J’espère que vous gardez le sourire. Nous sommes toujours amis, donc ne vous énervez pas. Je crois que vos cœurs sont à la bonne place. Je sais que toute cette histoire de génocide et de colonialisme crée parfois beaucoup de confusion pour nous tous. Mais il me semble que vous êtes inconsciemment en train de faire ce que tous les colonialistes ont fait avant vous : faire des choses sur notre territoire sans nous demander la permission.

Mais n’ayez pas peur, chers amis. Nous les indigènes avons le sens de l’humour. Donc, je pense que je peux vous soumettre quelques suggestions amicales pour aider à sortir de la position colonialiste dans laquelle (involontairement, j’espère) vous vous trouvez. [Jeu de mots difficilement traduisible – NdT].

Soit dit en passant, je ne suis qu’un individu indigène. Je ne représente que moi-même. C’est une initiative isolée d’écrire cette lettre. Peut-être qu’aucun de mes compatriotes Anishinaabe ne me soutiendront. Peut-être que certains le feront. Je respecte leurs opinions de toutes façons. J’aimerai toujours mon peuple Anishinaabe. J’essaie juste de faire quelque chose de bon, tout comme vous dans le mouvement Occupez Wall Street dans ce qui est maintenant appelé New York.

Donc, ce que je propose. (Vous souriez toujours, n’est-ce pas ?)

1) Reconnaissez que les États-Unis d’Amérique sont un pays colonial, un pays de colons, construit sur les territoires de nations autochtones ; et/ou…

2) Exigez la libération immédiate du prisonnier politique indigène Leonard Peltier ; et/ou…

3) Exigez du gouvernement colonial des Etats-Unis d’Amérique qu’il respecte tous les traités signés avec toutes les nations indigènes dont les territoires sont appelés collectivement « États-Unis d’Amérique » ; et/ou…

4) Mentionnez d’une manière ou d’une autre que vous êtes conscients d’être des colons et que vous n’avez pas l’intention de répéter les erreurs de tous les colons bien intentionnés qui vous ont précédé. En d’autres termes que vous êtes prêts à obtenir le consentement des peuples autochtones avant de faire quoique ce soit en territoire indigène.

Espérant que cette liste peut vous être utile, j’attend votre réaction avec impatience, mes amis.

Miigwech ! ( « Merci ! »)

John Paul Montano, Anishinaabe Nation
http://twitter.com/jpmontano

Traduction : Christine Prat (adhérente du CSIA)

Cette traduction et l’article original en Anglais :
http://www.chrisp.lautre.net/wpblog/?p=533