Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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Séminaire SOGIP - Droits des peuples autochtones et droit extractif : enjeux de la consultation (EHESS, le 31/01/19)

publiée le 14/01/2019 par CSIA-Nitassinan

SOGIP

Prochaine séance du séminaire « Perspectives comparatives sur les droits des peuples autochtones ».

Droits des peuples autochtones et droit extractif : enjeux de la consultation

le jeudi 31 Janvier 2019, de 9h à 13h

EHESS - Salle 13, 105 bd Raspail 75006 Paris

avec :

- Jean Leclair, Professeur à la faculté de droit (Université de Montréal, réseau DIALOG)

La consultation des peuples autochtones : processus de gestion de rapports de droit privé ou de rapports de droit public ?

Après avoir brossé un rapide tableau des dimensions juridiques de l’obligation qui incombe aux États, aux termes du droit international et du droit constitutionnel canadien, de consulter les peuples autochtones, je tenterai de montrer que la consultation correspond aujourd’hui, selon la perspective adoptée, à un instrument de gouvernance privée ou, au contraire, à un vecteur de gouvernance publique. L’obligation de consultation des États a eu pour effet d’encourager les promoteurs privés à signer, avec les peuples autochtones, des ententes « sur les répercussions et les avantages » (Impact and Benefit Agreements - IBAs). Je dresserai un portrait des avantages et des inconvénients de cette pratique qui fait de la consultation un simple mécanisme de gestion corporative.

Dans un deuxième temps, je tenterai de montrer que les peuples autochtones eux-mêmes ont investi le champ de la consultation en développant leurs propres « protocoles de consultation. » De ce point de vue, celle-ci devient un vecteur d’autodétermination politique au moyen duquel les peuples autochtones cherchent à combler les vides du droit positif étatique en imposant leur propre normativité en matière de consultation et d’accommodement.

- Gilles Lhuilier, Professeur de droit (ENS Rennes, FMSH Paris, Président de la Société internationale de droit extractif)

Consulter les peuples autochtones ou composer des mondes extractifs ? L’empowerment des acteurs entre droit et anthropologie

L’obligation qui incombe aux États de consulter les peuples autochtones et les populations locales ne sera effective que si les acteurs (peuples autochtones, populations locales mais aussi rédacteurs des contrats) sont à même de partager certaines pratiques juridiques, et ce quels que soient la nature, les modalités ou le résultat de la consultation. Cette approche par les pratiques des acteurs permet de renouveler l’effectivité du droit par un empowerment des acteurs et de renouveler les rapports du droit et de l’anthropologie.

Dans un premier temps je présenterai un cas pratique pour exposer le travail de conceptualisation des contrats extractifs, réalisé depuis 2015, qui a permis d’élaborer une grille d’analyse des contrats extractifs (Lhuilier 2015, 2016, 2018). La « Revue Critique » des contrats extractifs sénégalais (Lhuilier 2018) a ainsi utilisé une grille de lecture simplifiée des contrats pour faciliter l’analyse des contrats par la « société civile » en étudiant ensemble les clauses relatives à la détermination : 1) de la gouvernance du contrat ; 2) des principales obligations du contrat ; 3) de l’équilibre économique du contrat ; 4) de l’espace normatif du contrat. Cette grille est aussi utilisée par les rédacteurs de contrats extractifs

le champ de la consultation sont de nature à transformer la nature du rapport juridique des peuples autochtones ou des populations locales au monde extractif : la consultation se transforme en négociation et les peuples deviennent peu à peu parties au contrat extractif. Des bricolages normatifs s’offrent alors pour co-construire des régulations mettant en contact le monde des peuples et le monde des sociétés transnationales et ce, quel que soit le continent de l’investissement minier. Il s’agit bien évidemment d’une approche juridique inspirée par une certaine anthropologie, une tentative de composition des mondes qui, parce qu’elle est procédurale, respecte les singularités culturelles, politiques, sociales, langagières ou ontologiques des divers mondes.

- July Milena Calderón Segura, Doctorante en Anthropologie Sociale et Ethnologie IIAC/LAIOS, Consultante des organisations autochtones en Colombie

Droits sous tension : développement économique extractiviste et autonomie territoriale des peuples autochtones en Colombie

L’État colombien a basé son développement économique sur l’exploitation des ressources naturelles. La mise en place de cette politique a été possible par la création de mécanismes gouvernementaux, la promulgation de dispositifs normatifs et la mise en place d’une série de politiques publiques favorables aux intérêts des entreprises multinationales pour la mise en œuvre de grands projets miniers, d’hydrocarbures et agro-industriels.

La priorité de ce développement est une cause de l’augmentation des conflits territoriaux et environnementaux comme en témoigne le cas d’Yaigojé Apaporis dans les départements du Vaupés et d’Amazonie. Ce cas démontre la problématique de la convergence sur la lex mercatoria ; les contradictions du gouvernement colombien en matière de protection de l’environnement ; la priorité de la politique minière et l’adoption de contrats d’investissement avec les entreprises multinationales. Cela entre en contradiction avec la responsabilité de l’État colombien de protéger les droits des peuples autochtones et de respecter leur relation culturelle avec le territoire et les lieux sacrés. Nous évoquerons alors une décision de la cour constitutionnelle colombienne, un jugement historique en défense des communautés autochtones et de la protection de l’environnement, grâce à l’annulation de 30 titres miniers d’une entreprise multinationale pour l’exploitation d’or.


Pour plus d’informations : http://www.sogip.ehess.fr/ ou https://justip.hypotheses.org