Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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[CHIAPAS] "La lutte continue pour la liberté des autres prisonniers", déclarent les prisonniers adhérents à la Sexta zapatiste qui ont été libérés le 4 juillet dernier.

publiée le 11/07/2013 par CSIA-Nitassinan

San Cristóbal de las Casas, Chiapas, 6 juillet 2013.

"Vous ne devez rien au gouvernement. Si vous êtes hors de prison c’est
parce que vous avez lutté depuis l’intérieur de la prison. Votre
libération est le résultat des manifestations, des cris dans les rues", a
dit en s’adressant aux prisonniers adhérents à la Sexta, libérés jeudi
dernier, le professeur Martín Ramírez López, porte-parole du mouvement « 
d’El Bosque », qui lutte pour la liberté d’ Alberto Patishtán. "Compagnons
ex-prisonniers, bienvenue dans notre champ de lutte. Votre liberté ne
signifie pas que le gouvernement a souffert un transfert du cœur et qu’il
en ait un nouveau comme s’il avait changé. Non !", signale le représentant
tzotzil pendant la conférence de presse qui a eu lieu à midi dans un café
du centre-ville.

Le café est complétement rempli. Sur une table qui sert d’estrade, Rosa et
les huit autres ex-prisonniers, un air de liberté dessiné sur leurs
visages, regardent vers le public qui les regarde et les écoute. "Treize
ans de lutte et nous continuons la lutte", commence le professeur Martin.
Ses mots résonnent très profondément.

"Comment le gouvernement compte-t-il vous payer les années de châtiment
que vous avez endurées ? Comment va-t-il réparer les années que vous avez
perdues en étant innocents  ? Ceci est la grande injustice pour les
pauvres. Est-il juste de condamner si longtemps une personne innocente ?
Pour le gouvernement, vous libérer est comme relâcher un animal, un
cheval, pour qu’il puisse aller chercher de quoi se nourrir.

Combien de prisonniers innocents ont été libérés sans que personne ne leur
ait réparé les dommages subis ! Pendant les sept, huit années de leur
incarcération ils ont perdu leurs filles, leurs frères, leurs familles,
leurs maisons", signale fermement le professeur. "Tout ceci va continuer,
mais pour les autorités du ministère public, les policiers, les juges qui
vous ont torturés, qui vous ont accusés à tort et condamnés, pour eux il
ne se passe rien ? Ils condamnent des innocents et personne ne paie pour
cela. Nous n’avons pas entendu dire qu’un juge ait été en prison pour
avoir condamné un innocent. Et ici seulement vous êtes neuf, mais les
juges montent en grade, occupent de meilleurs postes."

Rosario Díaz Méndez, Pedro López Jiménez, Juan Collazo Jiménez, Juan Díaz
López, Rosa López Díaz, Alfredo López Jiménez, Juan López González,
Benjamín López Díaz et Enrique Gómez Hernández écoutent attentivement ces
mots après avoir quitté la prison n°5 jeudi dernier, au terme d’une lutte
incessante marquée par des grèves de la faim, des jeûnes, des
manifestations pour la défense collective des droits des prisonniers.

"Pourquoi y a-t-il des prisonniers innocents dans les autres prisons ?
Parce qu’ils ne s’organisent pas. Ils continueront alors à être enfermés
sans que personne ne les regarde. Si vous n’aviez pas manifesté, si vous
n’aviez pas formé un mouvement, vous seriez encore enfermés. Nous devons
continuer. Il y a encore beaucoup de prisonniers dans la souffrance. Le
mauvais gouvernement et tous ses complices qui occupent des postes dans
ses institutions continuent avec leurs mêmes coeurs à réprimer", poursuit
Ramírez López de manière éloquente. "Nous devons unir nos voix et nos
forces. Il existe une grande violation de nos droits humains. Cela fait
quelques jours que le gouvernement nous a envoyé des CRS pour nous
tabasser,nous, les professeurs, et porter la main où il n’en a pas le
droit”. Un autre témoin a rapporté ceci : “tandis que nous étions en train
de nommer notre secrétaire générale, combien sommes-nous de professeurs à
avoir été réprimés, blessés, gazés ! Certains ont été traînés de force
loin de là, baignant dans leur sang et traités comme des animaux. Du côté
des forces de l’ordre il n’y a pas eu de prisonniers, par contre des
professeurs ont été hospitalisés”.

Pedro López Jiménez, qui a été le porte-parole des Solidaires de la Voix
de l’Amate et étudiant du professeur Patishtán Gómez, remercie ce dernier
d’avoir fait connaître leurs histoires hors de la prison et rendu ainsi
possible une lutte globalisée.

Le Réseau contre la Répression souligne qu’il reste encore quatre
prisonniers de la Sexta enfermés au Chiapas : Patishtán, Alejandro Díaz
Sántiz, Miguel Demeza Jiménez et Antonio Estrada Estrada. Il condamne
totalement l’impartition de justice dans cet État.

Les prisonniers libérés ne cachent pas leur émotion. Rosa dit : "J’étais
condamnée à 27 ans pour un délit que je n’ai pas commis, et à travers
cette injustice j’ai connu cette lutte. Merci au compagnon Alberto
Patishtán et à vous tous (en s’adressant au public), cette lutte a donné
ses fruits. Mais ce n’est pas parce que nous sommes libres que la lutte
cesse : d’autres frères souffrent l’injustice. La perte de mon fils
Natanael qui est né malade à cause des coups que j’ai reçus pendant ma
grossesse reste gravée en moi".

Dans un dernier commentaire, l’avocat indépendant Ricardo Lagunes signale
 : Le ministère public qui a construit de toutes pièces les déclarations
falsifiées de Rosa devrait être jugé pour cela". Il mentionne aussi le cas
incontournable de l’assassinat récent de Juan Vázquez Guzmán, de San
Sebastián Bachajón.

Article de Hermann Bellinghausen
paru dans le Journal La Jornada
Dimanche, 7 juillet 2013, page 19
San Cristóbal de las Casas, Chiapas, 6 juillet.

Traduit par Les trois passants et Valérie.

Note :
Plusieurs communiqués et déclarations d’organisations et collectifs locaux
et internationaux ont salué cette libération, tout en rappelant la
nécessité de continuer la lutte pour la liberté de tous ceux et celles qui
restent enfermé-e-s dans les prisons mexicaines et partout dans le monde.
Trois campagnes nationales et internationales sont toujours en cours :
celle pour la libération de Patishtán et d’Alejandro Díaz Sántiz, une
autre pour la libération des prisonniers de Bachajon, Miguel Demeza
Jiménez et Antonio Estrada Estrada, enfin celle pour la libération
d’Alvaro Sebastian Ramirez et des six autres compagnons prisonniers de
Loxicha, Oaxaca, transférés le mois dernier à Tabasco, à plus de six cents
kilomètres de leur ville natale.

Voir également l’article et les vidéos sur le site du CSIA-Nitassinan (Merci aux Trois Passants) : [CHIAPAS] Libération de 9 prisonnier-e-s des organisations La voix de l’Amate et Solidaires de la voix de l’Amate !

Plus d’infos sur : http://liberonsles.wordpress.com/