Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques

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Idle no more - « fini la passivité » pour les premières nations autochtones

publiée le 20/01/2013 par CSIA-Nitassinan

« Idle no more », c’est par ce vocable qui pourrait être traduit par « fini la passivité » qu’est désigné un mouvement informel et spontané agitant depuis octobre 2012 les communautés autochtones du Canada. Cette appel enjoint à ne plus subir alors que les frustrations des premières nations, des inuits, et des métis sont plus que de coutume exacerbées. Les questions de reconnaissance des traités, d’ obligation de consultation, de dignité de l’habitat et de partage des ressources sont au cœur des revendications qui expriment un raz le bol généralisé et rarement égalé dans l’histoire des revendications des communautés autochtones, même si l’on se souvient de des événements de Restigouche, du lac Gustafsen, de la crise d’Oka ou de Burnt Church.

Depuis plusieurs mois se multiplient ainsi dans toutes les provinces de la fédération les flash mobs en milieu urbain, des manifestations colorées et véhémentes devant les bâtiments officiels au rythme des tambours, et des barrages routiers et ferroviaires. L’ampleur du phénomène est telle qu’il mobilise des sympathisants non autochtones au Canada et trouve un écho favorable au sein d’autres communautés autochtones, aux États Unis, en Australie ou en Nouvelle Zélande. « Idle no more » défraye la chronique au Canada et fait tache d’huile en tirant avantage du web 2.0 et des réseaux sociaux, pour catalyser une grogne anti Harper dépassant la communauté amérindienne et contribuer à l’expansion de ce mouvement que personne ne contrôle mais auquel chacun peut participer.

Le symbole de cette lutte n’en est pourtant pas l’origine. Celle qui a contribué le plus par sa grève de la faim à la médiatisation et à l’ internationalisation du mouvement, est la chef Theresa Spence de la communauté crie d’Attawapiskat, qui avait tiré la sonnette d’alarme en 2011 au vu des conditions de vie indignes des habitants de cette réserve. Theresa Spence a en effet été en grève de la faim à partir du 11 décembre 2012 pour demander un rendez vous avec le premier ministre Stephen Harper , et ceux pour exiger le respect des droits conférés aux Autochtones en vertu des traités signés par le Canada.

L’origine de la fronde se situe pourtant dans la Saskatchewan, ou quatre femmes autochtones, Nina Wilson, Sheelah Mclean, Sylvia McAdam et Jessica Gordon ont constaté lors du dépôt du projet de loi Omnibus de la loi C45 rebaptisée depuis loi pour l’emploi et la croissance, que le cadre légal des autochtones était modifié sans que ceux ci aient été consultés. Ce projet de loi entre autre amenderait la loi sur les indiens qui, aussi imparfaite fusse-t’elle aux yeux des Premières Nations les protège juridiquement.
Le mouvement a été provoqué par ce projet législatif comprenant Bill C45 et 8 autres projets de lois qui remettraient en cause les fondements des droits conférés aux autochtones, stipulés par la loi indienne, par les traités historiques avec la couronne britannique, ceux consacrés par l’article 35 de la constitution canadienne de 1982 et ceux reconnus dans les instruments du droit international tels que la la convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail et la déclaration des droits des peuples autochtones que le Canada a finalement rechigné à ratifier en novembre 2010.

Les conséquences concrètes de de ce paquet législatif seraient un accès facilité des terres et des ressources autochtones aux intérêts privés extérieurs, des règles simplifiées de prise décision pour obtenir l’assentiment des communautés et une protection environnementale des eaux considérablement amoindrie.

A l’heure ou nous publions cette entrevue fixée au vendredi 11 janvier 2013 a eu lieu même si son instigatrice était sceptique quant à sa concrétisation, mais celle ci n’a pas donné pas non plus tenu ses promesses ou donné de résultat probant, et Theresa Spence a aussi depuis mis un terme à sa grève de la faim.

Les chefs de l’Assemblée des Premières Nations avec à leur tête Shawn Atleo ont été désignés pour participer à cette rencontre auquel Harper a finalement consentie sous certaines conditions. Tandis qu’un consensus parmi des chefs a même été très difficile à trouver, certains d’entre eux comme Derek Ipenek du Manitoba appelant tout simplement à boycotter la rencontre, Shawn Atleo et certains représentants se sont rendus à cette rencontre qui a duré 3h30.

Si une rencontre entre Harper et les chefs de l’APN était déjà prévue, le médiatique jeûne de Theresa Spence et le mouvement « Idle no more » auront bousculé et accéléré un processus de dialogue lent et formel. L ’espoir d’un dialogue avait en effet été initié en janvier 2012 lors de la rencontre de la couronne et des Premières Nations et au cours de laquelle Harper s’était engagé à ne pas modifier la loi indienne sans consulter les premières nations. Il n’aura suffi que du dépôt de la loi omnibus C45 pour provoquer l’ire que l’on observe encore quatre mois après.

Comparable au livre blanc de 1969, au Buffalo jump des années 1980 ou à la loi sur la gouvernance des Premières Nations de 2002 cette loi assimilationniste et néocolonialiste est symptomatique d’un gouvernement ultra libéral acquis aux intérêts des multinationales et faisant fi du droit domestique et international.

Matthieu Bernard (CSIA-Ntassinan)

1. Flashmob : textuellement, mobilisation éclair. Rassemblement d’un groupe de personnes dans un lieu public pour y effectuer des actions convenues d’avance, avant de se disperser rapidement.

2. Loi sur les Indiens (Indian Act) : entrée en vigueur sous sa forme actuelle en 1951, cette loi fédérale canadienne, dont une partie concerne la vie dans les réserves, établit les droits des Amérindiens inscrits et de leur bande. Elle permet au Ministère des Affaires indiennes de régenter plusieurs aspects de leur vie, tels les limites de leur territoire, l’éducation qu’ils reçoivent, leur appartenance à une communauté ainsi que leur fiscalité. Elle s’inscrit dans une politique d’assimilation de la population amérindienne.

3. Livre blanc : En 1969, le gouvernement libéral a fait paraître un livre blanc assez controversé sur la politique indienne, qu’il a ensuite retiré. Ce livre blanc proposait l’abrogation de la Loi sur les Indiens et la fin du statut juridique distinct d’Indien, tout en reconnaissant l’existence de certaines obligations du gouvernement envers les autochtones. Un commissaire aux revendications indiennes a alors été nommé (de 1969 à 1977) pour étudier les revendications et faire des recommandations sur le règlement de griefs particuliers. Les Premières nations ont contesté son mandat trop restreint et, à leur avis, peu utile.

4. Buffalo Jump c’est la résurgence du livre blanc de 1969 modifié. Le rapport a été surnommé le "Buffalo Jump des années 1980" par un fonctionnaire fédéral, les recommandations de ce document ayant pour but la réduction ou la mort culturelle des Amérindiens d’où la métaphore. Le Buffalo Jump engageait la fin de la protection légale des Amérindiens, la réduction des dépenses fédérales pour les Premières Nations, le transfert des coûts des services aux Premières Nations aux provinces et aux bandes les plus développées, la négociation d’ententes d’autonomie gouvernemental par communautés qui perdraient leur statut constitutionnel, la communauté deviendrait une municipalité assujettie aux lois provinciales ou fédérales et l’extinction du titre aborigène et des droits ancestraux

5. Loi sur la gouvernance des Premières Nations de 2002 : ce projet de loi (C-7, abandonné) concernait le choix des dirigeants des bandes indiennes, leur gouvernement et leur obligation de rendre compte, et modifiait certaines autres lois les concernant. Il définissait, entre autres, leur capacité juridique.